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CBnews

– le 21 juillet 2020

La proposition d’une nouvelle loi encadrant les pratiques en matière de publicité, émanant d’une des idées de la convention citoyenne, suggère de limiter la promotion aux fins commerciales des produits et services dont l’impact environnemental serait défavorable à la lutte contre le réchauffement climatique. Une idée qui pourrait sembler attrayante sur le papier mais opérationnellement loin d’être évidente.

POURQUOI EST-CE QUE LA PUBLICITÉ POLLUE ?

L’impact environnemental de la publicité provient des supports utilisés d’une part et des contenus véhiculés d’autre part.

Les supports pour commencer, puisque qu’ils soient papiers, radiophoniques, télévisés ou digitaux, ils consomment une énergie qui n’est à ce jour que très partiellement dépolluée en France dans la mesure où la forte proportion de source nucléaire (et électrohydraulique) permet un bilan carbone plutôt favorable en contrepartie d’une interrogation durable quant à la gestion des déchets radioactifs (respectivement des impacts significatifs sur la biodiversité pour la construction des barrages). A cette pollution s’ajoute également la pollution lumineuse, qui est reconnue en 2019 par le Ministère de la transition écologique comme une « source de perturbations pour la biodiversité (modification du système proie-prédateur, perturbation des cycles de reproduction, des migrations…) » ainsi qu’un « gaspillage énergétique considérable ». Enfin de manière plus marginale intervient également une pollution visuelle liée aux affichages intempestifs qui peuvent constituer une nuisance pour la protection du patrimoine culturel et architectural qui constitue un des socles du pays.

Les contenus d’autre part, puisque vanter les vertus d’un bien ou d’un service fortement carboné commence à sembler quelque peu déplacé en 2020. Un voyage en avion, l’acquisition d’un SUV parfaitement surdimensionné & énergivore, des légumes hors saison cultivés à l’autre bout de la planète dans des conditions pour le moins incertaines, autant d’exemples faciles et culpabilisateurs pour susciter l’adhésion du grand public à une ambition louable in fine.

ENCORE UNE LOI DE PLUS ?

Une ambition louable – polluer moins – mais servie par un levier qui interroge. La France a‑t-elle réellement besoin d’un texte de loi supplémentaire ? Comme un révélateur de l’immobilisme du grand public à adopter le geste vert, cette approche prône une culture de la culpabilisation et de la punition alors que la question environnementale a surtout besoin de pédagogie et d’adhésion. Autrement dit, la lutte contre les différentes formes de pollutions a besoin d’idées concrètes qui facilitent les comportements vertueux plutôt que d’un empilement juridique qui ne facilite en rien la transformation en profondeur de la société. Pour prendre un exemple concret, interdire la publicité des Renault Scénic ne soutiendra en rien la commercialisation des Renault Zoe : le besoin intrinsèque reste le progrès technologique pour améliorer la performance des batteries (autonomie, gestion de la température) pour lever les derniers doutes des consommateurs.

Qui plus est, pour rendre cette loi applicable et contrôlable, il est nécessaire de définir sans équivoque la forme que peut revêtir la « publicité polluante ». C’est tout l’enjeu des taxonomies vertes : dans le fond, c’est quoi un produit vert ? Ce chantier d’envergure n’a pas encore trouvé d’aboutissement ni à l’échelle nationale ni à l’échelle européenne. Ce casse-tête est pourtant fondamental afin dans un premier temps d’informer sur les conséquences environnementales que peut avoir l’utilisation d’un produit ou le recours à un service puis dans un second temps d’aiguiller vers des propositions tenant davantage compte de la teneur écologique.

Un casse-tête d’autant plus complexe qu’il est nécessaire d’analyser l’ensemble du cycle de vie des biens de consommation, ce qui dans certains cas relève du travail d’enquêteur. C’est ainsi que la question des batteries lithium-ion reste ouverte quant à ses modalités de productions et de recyclage alors que le recours aux véhicules électriques semble fortement soutenu par les pouvoirs publics de nombreux pays. Si ce n’est sans doute pas au secteur de la publicité de répondre à ces interrogations, en revanche il doit utiliser son pouvoir d’influence pour interroger notre modèle économique de surconsommation.

LA PÉDAGOGIE AVANT TOUT

Les sucreries ont leur pendant « 5 fruits & légumes par jour », les boissons alcoolisées ont leur message « attention à l’abus » : demain il semble facile d’imaginer sur les publicités un questionnement plus profond portant sur la nécessite intrinsèque de tout acte d’achat non vital. « En avez-vous besoin ? » diraient les affiches. Une approche plus éthique pour continuer à soutenir la consommation avec un impact favorable.

Car l’impasse écologique actuelle n’est pas seulement la résultante d’une somme d’actes de consommation, mais plus globalement l’échec d’un modèle déséquilibré au sein duquel l’objectif de croissance n’est que trop simpliste en se limitant à une définition financière. Si cette approche reste fondamentale pour assurer la pérennité des entreprises, elle doit impérativement être nuancée par des critères supplémentaires tels que les impacts environnementaux ou le bilan sociétal de l’entreprise, à l’image de la communication financière que le groupe Danone a commencé à mettre en place depuis plusieurs mois.

La publicité en France en 2019, c’est un marché à 34Md€, aussi la volonté de freiner la promotion commerciale amène une forme de contradiction. S’il est entendu que la publicité soutient la consommation qui demeure en France le principal levier de croissance et donc de lutte contre le chômage de masse, dans quelle mesure le fait de la ralentir peut nuire au plan de relance conçu et mis en œuvre par le gouvernement ? Face à ce paradoxe, il semble d’autant plus urgent d’attendre que de nombreuses interrogations restent ouvertes quant à la mise en œuvre opérationnelle d’une telle ambition. Si encadrement il doit y avoir, commençons par forger une éthique de la promotion pour se poser la question fondamentale du « en a‑t-on besoin » puis par s’interroger sur la pertinence des nouveaux supports particulièrement voraces en énergie. La vraie réflexion à mener devient donc une quête d’un bilan carbone neutre pour l’ensemble des secteurs d’activité. Rien n’est moins sûr que le fait qu’une loi supplémentaire puisse constituer le bon levier d’action pour se transformer.

Par Adrien Aubert, associate partner chez Square.

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