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Entreprendre

– le 29 juin 2022

La raison d’être désigne la cause profonde de l’existence d’une chose ou d’un être. Ce concept a fait beaucoup parler de lui ces dernières années, notamment dans le monde des entreprises. Mais pourquoi limiter l’utilisation de la raison d’être au champ managérial ? Le concept peut en effet être appliqué dans de nombreux domaines, dont l’éducation.

Il est en effet intéressant pour des parents de s’interroger sur le sens qu’ils souhaitent donner à l’éducation de leur enfant. Dans ce cas, le terme « sens » peut être entendu de deux manières complémentaires :

  • Le sens comme finalité, que nous retrouvons dans l’expression « donner du sens », et qui permet de répondre à la question « pourquoi est-ce que j’éduque mon enfant ? »
  • Le sens comme direction, que nous retrouvons dans l’expression « aller dans le même sens » et qui permet de répondre à la question « quelle orientation est-ce que je souhaite donner à l’éducation de mon enfant ? »
    En outre, définir la raison d’être de l’éducation que nous souhaitons donner à notre enfant offre de nombreux avantages, extrêmement proches des bénéfices procurés par un travail sur la raison d’être d’une organisation. Par définition, la raison d’être permet en effet de donner un sens à ce que nous faisons. Elle apporte également de la cohérence en faisant converger paroles et actes vers une direction unique. De surcroît, mener cette réflexion permet de sortir de notre quotidien pour imaginer de nouvelles manières de contribuer à quelque chose de plus grand, qui nous dépasse, et ainsi réinventer les moyens que nous mettons en œuvre au quotidien pour éduquer nos enfants.

Enfin et surtout, la réflexion personnelle menée en tant que parent sur la raison d’être de l’éducation pourra faire écho à la réflexion conduite dans le cadre professionnel sur la raison d’être de notre travail ou de notre entreprise. Ces deux explorations, qui reposent sur une démarche identique, pourront en effet s’enrichir mutuellement et gagner ainsi en profondeur.

Du pourquoi au quoi

La démarche à adopter pour mener une réflexion sur la raison d‘être est la même quel que soit le champ d’application, managérial ou pédagogique. Il s’agit de partir d’un POURQUOI, pour déterminer le COMMENT puis le QUOI. Cette démarche a été modélisée par Simon Sinek, un publicitaire et conférencier américano-britannique, sous la forme d’un outil appelé le golden circle.

Le golden circle est composé de trois cercles concentriques : le quoi, le comment et le pourquoi.

D’après Simon Sinek, toutes les entreprises savent ce qu’elles font, leur QUOI. Il s’agit des produits ou des services qu’elles commercialisent (des boissons, des meubles, de la prestation intellectuelle…).

La plupart d’entre elles savent COMMENT elles le font. Il s’agit des éléments différenciants qui font leur marque de fabrique (une qualité irréprochable, un service après-vente disponible et efficace…).

En revanche, peu d’entreprises savent POURQUOI elles font cette activité, quelle est la raison profonde de leur existence. Or, d’après Sinek, les entreprises ayant défini leur POURQUOI et communiquant dessus ont beaucoup plus de chance de faire adhérer leurs collaborateurs et les consommateurs à leur vision, et ainsi générer plus d’engagement.

Ce travail sur la raison d’être a été mené par quelques organisations, dont Ikea. Le POURQUOI de la marque suédoise est en effet de « créer un meilleur quotidien pour le plus grand nombre »(1). Cette raison d’être l’oriente dans la manière de concevoir ses produits, qui doivent être design, fonctionnels et à bas prix. Ces éléments sont caractéristiques de la marque de fabrique d’Ikea, autrement dit de son COMMENT. De là découle naturellement le QUOI, ce qu’Ikea fabrique : des meubles, des luminaires et des accessoires pour la maison.

Engager cette réflexion sur la raison d’être permet de donner du sens au travail des collaborateurs, à l’image des employés d’Ikea qui savent pourquoi ils se lèvent le matin. Or, le fait de contribuer à une cause supérieure – et non simplement d’enrichir des actionnaires – favorise l’engagement des collaborateurs. Ces derniers vont s’impliquer davantage et être plus créatifs.

Application au domaine pédagogique

Si nous transposons cette réflexion à la pédagogie, nous pourrions considérer que tous les parents savent ce qu’ils font pour élever leur enfant : le nourrir, lui lire des histoires, lui faire faire ses devoirs, lui faire des bisous et des câlins…

Un certain nombre de parents ont également réfléchi au COMMENT, à la manière dont ils souhaitent éduquer leur enfant : en s’appuyant sur telle méthode pédagogique ou sans méthode du tout, avec bienveillance ou avec fermeté, en partageant des activités artistiques ou sportives afin de développer sa créativité ou son engagement…

Cependant, peu de parents ont mené une réflexion sur le POURQUOI, la raison d’être de leur éducation. Or, cette réflexion permet, comme nous l’avons évoqué en introduction, d’apporter une cohérence à l’éducation et d’orienter les pratiques pédagogiques ainsi que les décisions quotidiennes. Du POURQUOI découle le COMMENT et le QUOI.

A titre d’exemple, nous pouvons appliquer cette démarche à la pédagogie Montessori. Maria Montessori a en effet défini le POURQUOI, la raison d’être de l’éducation qu’elle souhaitait donner dans ses écoles. D’après elle, l’éducation doit permettre de révéler une « nouvelle vision de l’enfant »(2). Elle considère en effet l’enfant comme une personnalité autonome, qui doit être accompagnée afin d’affirmer ses traits de caractère et ses qualités. C’est pourquoi l’adulte ne doit plus chercher à « agir » sur l’enfant, mais au contraire à intervenir le moins possible, en le laissant apprendre en toute autonomie. Il va donc adopter une posture d’accompagnateur qui n’aide qu’en cas de besoin et s’appuyer sur un environnement et du matériel pensés spécifiquement pour l’enfant, lui permettant d’apprendre par lui-même autant que faire se peut.

En outre, en faisant évoluer le regard des adultes sur les enfants, Maria Montessori espérait limiter les conflits intergénérationnels. Ce climat apaisé, où chacun peut s’épanouir dans le respect de l’autre, devait alors servir alors de terreau fertile à la paix dans le monde, raison d’être ultime de l’éducation pour la pédagogue italienne.

Dans le cas de Montessori, c’est donc bien le pourquoi qui détermine le comment et le quoi, et non l’inverse. En outre, cette analyse nous invite à prendre du recul par rapport aux méthodes pédagogiques Montessori et actives. Ces dernières ne sont en effet pas une fin en soi, comme pourraient le laisser penser les effets de modes. Ce ne sont que des moyens parmi tant d’autres, permettant d’atteindre une raison d’être supérieure. Et c’est bien comme cela que ces méthodes ont été pensées par leurs fondateurs.

D’une raison d’être à l’autre

Ainsi, le golden circle peut facilement être détourné pour accompagner les parents dans leur réflexion sur la raison d’être de l’éducation, de même qu’il reste toujours pertinent pour définir et affiner la raison d’être d’une organisation. Grâce à ses questions extrêmement simples, le golden circle invite en effet à renverser la logique consistant à partir du QUOI pour se questionner sur le COMMENT, et à favoriser une réflexion sur le POURQUOI, qui permettra ensuite de déterminer le COMMENT et le QUOI.

Or, cette structuration permet d’élargir le champ des possibles en incitant à réfléchir différemment. Elle encourage à prendre du recul par rapport aux tâches quotidiennes – nourrir, produire, vendre… – et à considérer tous les moyens à disposition pour contribuer à la raison d’être. Cette nouvelle manière d’aborder les sujets éducatifs et managériaux invite ainsi collaborateurs et parents à sortir des sentiers battus et à inventer leur propre manière de faire.

Sources

(1) Site internet IKEA, page Notre mission et notre vision de l’ameublement, https://www.ikea.com/fr/fr/this-is-ikea/about-us/notre-mission-et-notre-vision-de-lameublement-pub9cd02291

(2) Poussin Charlotte, La pédagogie Montessori, Que sais-je ? Presses universitaires de France, 2ème édition, 2021, p. 5

Par Mathilde Dégremont, Principal Square.

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