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Revue Européenne de coaching

– le 20 novembre 2021

Notre hypothèse sous-jacente est que les artefacts visuels ont un potentiel rôle particulier à jouer dans le processus de coaching à condition de ne pas les cantonner à une simple catégorie d’outils enrichissant la palette méthodologique du coach.

Introduction

Cette prévalence du visuel qui explose dans les organisations ces dernières décennies suit sans conteste le mouvement de nos sociétés imprégnées par la technologie numérique qui façonne nos interactions sociales et nos expériences de vie. Les idées même les plus complexes sont ainsi définies, interprétées et communiquées par l’usage des mots mais aussi à travers des visuels qui visent à déclencher toute une gamme de réponses cognitives et émotionnelles. Progressivement, les sciences humaines se sont tournées vers ces nouveaux champs d’analyse portant sur le visuel et sa compréhension Ce « Penser visuellement »[1] ouvre alors de nouvelles lignes ontologiques et méthodologiques pour comprendre « le visible et l’invisible dans les organisations »[2] (Drori, I. (2018) : page 840) qui œuvrent autant sur les structures et les mécanismes que sur les comportements humains qui s’y jouent. Cette prévalence visuelle, souvent métaphorique, interpelle la place du non-verbal dans nos pratiques de coaching. Mais est-ce uniquement cela : un langage analogique qui s’exprimerait par un outil visuel ? Au-delà, ces outils visuels, que nous nommerons « artefacts visuels », appellent une approche modale possible dans le coaching entre une simultanéité de la parole, de processus cognitifs, de connexions visuelles, et plus largement sensorielles, facilitant potentiellement, par un statut de médiateur, apprentissage et changement des équipes et organisations.

Un questionnement plus large conduit à se demander en quoi et pourquoi les artefacts visuels pourraient être utiles au travail du coaching ? Quels sont les apports, effets et finalités des artefacts visuels ? Que permettront-ils pour le coaché ? A quelles intentionnalités répondent-ils ? Qu’apportent ces artefacts visuels qui peuvent acquérir un statut métaphorique au coaching ?

Notre hypothèse sous-jacente est que les artefacts visuels ont un potentiel rôle particulier à jouer dans le processus de coaching à condition de ne pas les cantonner à une simple catégorie d’outils enrichissant la palette méthodologique du coach. De par leur statut matériel, du processus de production qu’ils activent, de leur potentialité métaphorique, ils sont des facilitateurs de compréhension, d’apprentissage et de changement pour l’accompagnement en coaching. L’ensemble repose sur une analyse bi-dimensionnelle qui nous conduit aux métaphores picturales :

- Dans une dimension, qualifiée d’horizontale, l’artefact visuel est un vecteur facilitateur d’apprentissage mais aussi d’accessibilité et de « visibilité » de la vision du monde du coaché, pour lui permettre d’accompagner un élargissement des possibles pour lui.
— Et dans une dimension verticale, qualifiée de profondeur, l’artefact visuel par sa rencontre métaphorique appelle à un recours à l’imaginaire. Visuels et métaphores entretiennent un lien étroit en engageant le même procédé analogique du «c’est comme», et facilitent alors, dans un potentiel trajet de sens, des changements

1. Le processus de coaching avec les artefacts visuels : un vecteur d’apprentissage

1.1. Les artefacts visuels : de simples outils ?

1.1.1. Comment définir un artefact visuel ?
Dans le coaching, nous nommerons visuels toutes les catégories expressives visuelles qui reposent sur des supports matériels physiques, voir numériques, proposés par le coach, ou issus de la production du coaché (au sens individuel ou collectif). Il s’agit ainsi de toute production d’un visuel en tant que figure simplifiée formant une « expression visuelle de la réduction logique d’une information » (Vanmalderen, L. (1982): page 21). Les visuels sont ainsi :

  • soient des images en tant que reflet et similitude avec une réalité, et s’inscrivant dans une ressemblance et dans une analogie;
  • soient des représentations qui sont des signes, en l’occurrence un visuel à la place de quelque chose d’autre, qui portent un signifié (un concept) et un signifiant (une face matérielle du signe). L’artefact visuel peut être alors iconique (en présentant un certain degré de ressemblance), analogique (et former un symbole basé par convention sur un type d’analogie) ou arbitraire (ne présentant aucune ressemblance perceptive) (Vanmalderen, L. (1982): page 22).

Nous retiendrons ce concept d’artefact « pour désigner de façon neutre toute chose finalisée d’origine humaine » qui peut être matérielle, voire même symbolique (Rabardel, P. (1999): page 4). Ces visuels deviennent artefacts quand ils acquièrent un statut d’« instrument », en l’occurrence dès qu’ils donnent lieu à un usage particulier pour atteindre un objectif qui est propre au coaching. Le visuel utilisé en coaching a une composante d’artefact, en l’occurrence de production humaine créée aboutissant à une matérialité visuelle, et d’autre part une composante liée à l’action (acte de production) qui répond à une intentionnalité.

1.1.2. La continuité impossible ou le changement de paradigme ?
L’usage des artefacts visuels en coaching peut sembler s’inscrire quasi en continuité de pratiques des outils visuels connus des organisations, et à ce titre présenter une facilité d’accès pour les coachés. Dans ce coaching conduit dans une organisation lean auprès d’une équipe managériale, le coach, pour s’inscrire en continuité des pratiques connues par l’équipe, a pratiqué un détournement d’usage d’un outil du lean – le diagramme Ishikawa (ou diagramme en arêtes de poisson) qui vise à identifier et classer les causes profondes potentielles d’un dysfonctionnement, en l’orientation vers la recherche de solutions. Le constat s’est avéré cuisant.

Dans le lean management, la focalisation cognitive est centrée sur l’analyse des causes et la résolution de problèmes. Dans le coaching, l’objectif conduit à une focalisation positive centrée solutions, est défini par le coaché et lui est spécifique. Dans le lean management, l’objectif vise à développer des compétences nécessaires pour que l’équipe agisse dans le cadre de référence attendu. Si le lean management rentre dans un cadre normatif structuré par des outils, le coaching ne vise pas à l’applicabilité d’un cadre normatif, mais d’un processus tenu. Or l’équipe associait cet outil visuel, même dans un usage détourné, au cadre normatif dans lequel il avait été produit.

L’usage des artefacts visuels s’inscrivant dans un autre cadre méthodologique présente une apparence réconfortante de continuité en entreprise. En réalité, il peut être limitant pour le processus de coaching lui-même, fragilisant pour le coaché, en particulier s’il crée une confusion avec le référentiel méthodologique de l’entreprise. Nous procédons ici à un changement de paradigme de l’usage de l’outil visuel du paradigme des problèmes à celui des solutions ouvertes, créatives, libres. Plus largement, si le coach se doit d’être dans une posture d’extériorité tout en restant attentif au cadre de l’organisation, cela tend à considérer que, de la même manière, l’artefact visuel utilisé dans le coaching se doit d’être dans une certaine extériorité au cadre normatif de l’entreprise

1.1.3. Des outils visuels : une réelle neutralité ?
Les outils visuels utilisés dans le coaching sont multiples et, pour une partie, rentrent dans un cadre formaté et préconstruit. Ces outils présentent-ils toujours un cadre de sécurité ontologique supérieur pour le coaché ? Connus et choisis par le coach, ils ne sont pas neutres et mobilisent un système de représentations. En effet, ils portent un message d’intention qui est à la fois un message linguistique (le questionnement et les consignes d’usages du coach) mais aussi un message iconique (ressemblance possible ou pas avec ce qu’il représente) dont R.Barthes ( (1964) : page 42) établit une distinction entre codé (le sens que l’on ajoute à ce que l’on voit) et non-codé (ce que je vois).

L’usage de l’artefact visuel relève d’un message iconique non-codé, tout du moins pour le coach. Pourtant pour le coaché ? Posons un autre élément de réflexion par la distinction établie entre dénotation et connotation du message iconique (Barthes, R. (1964) : page 43). La dénotation nous renvoie à ce qui se perçoit visuellement de l’artefact visuel et qui serait seulement ce qui se perçoit pour ce que cela est. La connotation repose quant à elle sur des signes ( tels que des objets, des formes, …) qui appellent à des signifiés dont la compréhension nécessite « la mobilisation de savoirs pratiques (liés à des usages) ou culturels » (Moliner, P. (2015) : page 84). Cette double dimension iconique questionne la pratique de l’usage des artefacts visuels apportés par le coach. Le coaché ne dispose pas nécessairement des mêmes savoirs pratiques, culturels, représentations que le coach.

Les artefacts visuels que nous utilisons dans le coaching résultent de cette imbrication complexe entre des éléments de dénotation et de connotation, et entre la perception et l’interprétation du coaché et du coach. Cela requestionne la neutralité apparente des artefacts visuels proposés par le coach. Cela est-il applicable à tous les outils visuels dont le coach dispose ? Nous aurions tendance à répondre positivement dans la mesure où chaque artefact visuel produit un message par nature polysémique et qu’il « ne se contente pas de montrer, (il) dit aussi quelque chose. Mais ce qui est dit dans l’image (en tant qu’artefact visuel) est toujours relatif à ce qui est montré » (Moliner, P. (2015) : page 85). Cela nécessiterait la conduite d’une proposition méthodologique de l’objectivation d’un artefact visuel utilisé en coaching.

L’intérêt réel du questionnement porte sur le processus mis en œuvre par l’usage de l’artefact visuel et sur la finalité à laquelle il conduit. C’est à ce titre que l’artefact visuel acquiert un statut d’intérêt dans le coaching tant à la fois sur ses apports et sur ses potentialités que sur ses éventuelles limites.

Quel rapport entretient le coach à l’usage des artefacts visuels ? Le coach doit interroger, en toute lucidité, sa propre compétence et appétence personnelle pour l’usage visuel. Il n’est pas nécessaire d’être un expert du visuel pour le coach. Au contraire, une spécialisation trop importante du coach risque de bloquer le coaché qui ne se sentirait pas légitime dans sa propre créativité. Le coach doit rester en position basse sur la compétence spécifique de création de l’artefact visuel (et bien entendu en position haute sur le processus avec certaines limites) afin de ne pas perturber, voir réduire, le cheminement possible d’apprentissage par la production visuelle.

1.2. A quel moment utiliser les artefacts visuels dans le processus de coaching ?

Le plus souvent, la question opérationnelle qui se pose au coach est de savoir à quel moment utiliser les artefacts visuels dans le processus de coaching. Le processus de coaching constitue des étapes avec de nombreuses boucles de rétroactions possibles. La production visuelle devient un sous-processus qui se met en œuvre potentiellement à chaque étape. L’artefact visuel vient nourrir comme un support matérialisé et visible l’ensemble du questionnement. Il s’inscrit en appui possible de la méthode dit des 4R pour le coach, en l’occurrence :

  • Recontextualiser avec par exemple un questionnement du coach portant sur la récurrence des éléments dans le visuel, les liens qui émergent de causalité et de conséquence, les différences qui semblent se dessiner…
  • Reformuler avec un éclairage de compréhension empathique sans interprétation du coach.
  • Résumer visant à rassembler les éléments de visibilité du visuel associés au récit exploratoire du coaché confortant une intention de compréhension.
  • Renforcer sur la production réalisée par le coaché dans une intention de mise en valeur de ses ressources et potentiels.
  • L’utilisation de l’artefact visuel n’est pas restreinte par un cadre normé qui s’imposerait mais se doit d’être piloté par l’intention claire du coach.

1.3. Du processus de production des artefacts visuels : un parcours d’apprentissage réflexif

Qui fabrique cet artefact ? Deux positions sont possibles : le coach ou le coaché. Nous nous centrerons sur la création de l’artefact visuel par le coaché, tout en laissant place à des situations mixtes possibles. Quel effet à cet engagement de production d’artefact visuel sur le coaché ?

Notre hypothèse est que si le coaché est activement engagé par un acte créatif dans le processus de production du visuel lui-même, il est dans une expérience d’apprentissage qui favorise le changement. A ce titre, le processus de production de l’artefact visuel est un levier possible de responsabilisation et de mise en action proposé au coaché.

Nous rejoignons à cet égard les approches qui ont été développées sur la photo-élicitation, mettant l’accent sur le rôle du coaché dans la création. Nous utiliserons un schéma chronologique d’analyse de ce processus de production tout en appelant à une position meta d’observation de ce qui s’y joue à chaque étape. Ce processus de production repose sur la règle des 3P issue de l’analyse transactionnelle : Protection, Permission et Puissance qui s’éprouvent à chaque phase.

1.3.1. Avant la production d’artefacts visuels : intention, permission, et sécurité ontologique
La phase amont du processus de production de l’artefact visuel a une place centrale dans l’observation conduite par le coach, et dans la mise en action du coaché. Le mouvement démarre avec une étape de sollicitation conduite par le coach afin d’impliquer le coaché dans le processus de production, et plus largement dans son processus de coaching.

Sécurité ontologique, liberté et confiance
Avant toute mise en œuvre, une condition importante pour le coach est d’être vigilant sur la sécurité ontologique éprouvée par le coaché qui ne doit pas se sentir menacé dans ses fondements identitaires. En effet, pour le coaché, il peut lui sembler curieux de se voir demander de produire un visuel. Quel accueil donnera le coaché à cette sollicitation ? Par exemple, le choix d’utiliser le dessin avec des adultes peut donner une perception enfantine, voir déresponsabilisante (Guillemin, G. & Drew, S. (2010) : page 179). Le rapport collaboratif doit être profond et engagé pour que le coaché est confiance et se laisse guider par le processus. Cette confiance est un vecteur de la sécurité ontologique puisqu’elle permet de réduire une anxiété créatrice, une peur de l’échec face à la création, plus largement une complexité liée à l’imaginaire.

Le recours à des artefacts visuels est une proposition tout autant que la profondeur et la complétude des contenus exprimés relèvent de la liberté du coaché, une « liberté totale d’expression symbolique » (Rogers, C. (2018 [1980]) : page 239). Nous devons en tant que coach accueillir deux éléments importants de cela :

  • Le coaché peut volontairement décider de ne pas exprimer par un artefact visuel tout ce qu’il ressent,
  • Le coaché s’exprime sur un artefact visuel mais ne veut pas le verbaliser,
  • Pour des raisons qui lui sont propres, conscientes ou inconscientes, dans la situation de coaching.

Résistances et permissions
Il est possible pour le coach de constater une résistance à cette proposition de production visuelle qui se questionne (quels sont les freins ? les difficultés ? les peurs ? un malaise émotionnel ?…), y compris une potentielle perception de menace de sécurité ontologique. Cette résistance est déjà un indicateur de questionnement sur le changement, sur la motivation au changement, sur les risques potentiels exprimés par le coaché. Cette prudence permet d’éviter de créer un phénomène de réactance.

Ces réticences potentielles du coaché forment un récit que le coach visite par exemple sur les croyances limitantes qui émergent : « je ne suis pas capable de .. »… Le coach peut faire émerger les drivers du coaché, ces grandes consignes internes, lors de l’invitation productive visuelle. L’artefact visuel ouvre ainsi un chemin possible à proposer au coaché de possibles permissions, qu’il pourrait se donner et expérimenter. Le coach accompagne alors un système d’exception à la règle : « et si pour une fois, rien qu’une fois, et cette fois-ci, il serait possible de créer visuellement… ». Plus largement, un espace de permissions s’ouvre au-delà de l’artefact visuel. Cet espace est un terrain d’apprentissage par l’expérimentation d’une dissonance cognitive permettant le changement.

Notre hypothèse est que l’artefact visuel a cette puissance de transposition de ce qui est vécue en séance qui ouvre un possible pour une transposition hors de la séance. Et cette transposition s’éprouve à toutes les étapes de son processus de production.

Il s’agit toujours pour le coach de proposer la production d’un artefact visuel avant et de ne pas l’imposer. De la même manière, il est essentiel d’impliquer le coaché dans le choix du support visuel, car là n’est pas l’essentiel à conduire pour le coach. Ce qui se joue là est la puissance de mise en action du coaché par ce choix qui se vit en pleine liberté et conscience de son libre-arbitre (Rogers, C. (2018 [1980])).

Cette liberté du coaché appelle la notion de respect de son choix par le coach. Car là aussi dans ce refus de production, voire même du type de support visuel, c’est une expression de soi, de sa marge de liberté et d’autonomie qui s’éprouve pour le coaché. L’expérimentation du pouvoir de dire non peut aussi être une expression d’affirmation pour lui de ses limites. Poser des limites s’expérimente, se questionne, et ouvre une potentielle transposition.

1.3.2. Pendant la production d’artefacts visuels
La production de l’artefact visuel n’est pas neutre en termes de temps dans la mesure où elle est rarement acte spontanée. Cela nécessite pour le coaché de prendre un temps de réflexion qui demande patience du coach. Il ne s’agit pas de précipiter le coaché dans le mécanisme de production. Ce temps, par exemple pris pour choisir une couleur, peut être avoir une signification émotionnelle particulière pour le coaché. En réalité, le processus de production de l’artefact visuel appelle au respect d’un rythme propre au coaché qui lui permette de réfléchir en toute autonomie.

Biais possible et authenticité
La production de l’artefact visuel peut être réalisée en séance ou entre les séances. Ce qui n’est pas exactement le même processus. Au cours de la séance, le coach peut accompagner l’élaboration quand le coaché s’exprime à haute voix sur sa construction visuelle. Néanmoins quel est l’impact de la présence du coach dans l’authenticité de la production visuelle du coaché ? Dans quelle mesure la présence du coach peut-elle conduire à un artefact visuel réellement libre de production ? La réponse n’est pas simple. La présence du coach peut conduire à accompagner, rassurer sur les capacités du coaché, encourager, mais aussi peut conduire à des questions du coaché du type : «Est-ce clair à votre avis ?». Mais clair pour qui, pour le coach ou le coaché ? Nous devons être conscients que la présence du coach peut conduire à un biais possible d’expression authentique de l’artefact visuel (Guillemin, G. & Drew, S. (2010) : page 183). A ce titre, toute la puissance du questionnement du coach permet de limiter ce biais possible.

Un processus d’autonomie : l’autodétermination et l’initiative
Il est important de questionner avec le coaché ce processus de production en l’accompagnant dans une position meta : Que ressent-il dans la construction de ce visuel ? Quels sont les obstacles qu’il surmonte ? L’autodétermination du coaché est au centre de la production. Le processus doit permettre au coaché de prendre ses propres décisions sur la production de cet artefact. Pour une réelle mise en action du coaché, cette production visuelle se fait indépendamment du coach qui accompagne mais ne produit pas, ou n’influence pas le visuel à la place du coaché qui expérimente en situation ses choix, son autonomie, sa prise de décision faite pour soi.

Cela conduit aussi le coach à savoir se mettre en position basse y compris même dans le processus de production de l’artefact visuel. Si le coaché s’éloigne des modalités pratiques émises, par exemple de la consigne de dessiner, d’utiliser des post-it, quelle importance cela a‑t-il ? Laisser la prise d’initiative sur le processus au coaché peut être perçue par le coach comme « une menace ». En réalité, le coaching, par ces espaces de liberté laissés, devient alors un espace pleinement et totalement centré sur le coaché, qui est acteur de ce qui s’y vit. Il demande au coach une adaptabilité permanente et continue mais au bénéfice plein et complet du coaché

1.3.3. Après le processus de production
Après le processus de production de l’artefact visuel, une nouvelle phase émerge qui donne de la place au feed-back défini comme « un retour d’information… pour nourrir » (Seiracq, S. (2018) : page 137). Il ne s’agit pas d’un feed-back d’évaluation mais d’un « retour réflexif » du coach (page 139). Le coach accompagne une position meta du coaché sur ce qu’il vient de produire, sur ce qu’il a ressenti, sur les découvertes possibles, sur les éventuelles modifications qui émergent … Le coaching s’appuie alors sur une position méthodologique réflexive où les artefacts visuels prennent sens, non dans leurs propriétés intrinsèques, mais dans la manière dont le coaché les interprète et les explique.

Le coach accompagne ce possible nouvel angle de vue qui apparait pour le coaché, l’invite à une revisite de son objectif en « embarquant » l’expérience productive visuelle qui vient d’être vécue. Il facilite pour le coaché une lecture de liens possibles entre la production visuelle et son cheminement, en veillant à aucunement influencer des liens de causalité ou d’effets qui seraient des biais. Plusieurs stratégies de retour réflexifs et de questionnements complémentaires sont potentiellement à conduire par le coach selon les étapes où la production d’artefact visuel a lieu dans le coaching.

Il ne s’agit pas de valoriser pour le coach la production visuelle en tant que tels d’un regard d’expert. Ce qui est valorisé là est la personne qui produit. Il s’agit là d’un renforcement sur les faits, de cette capacité à avoir réalisé qui témoigne d’une capacité de mise en mouvement de la personne. La fierté de production qui émane potentiellement conduit à un renforcement de la confiance en soi et de l’estime de soi. Rappelons que « c’est quand il perçoit et conçoit qu’il est apprécié en tant que personne qu’il peut, lentement, commencer à se valoriser lui-même » (Rogers, C. (2013 [1989]) : page 209).

1.3.4. Un parcours d’apprentissage réflexif continu
Apprentissage expérientiel et réflexif
Dans quelle mesure peut-on parler d’apprentissage dans ce processus de production d’un artefact visuel ? Le concept d’apprentissage expérientiel, est né dans le sillage du courant humaniste et de formation des adultes, et particulièrement dans les approches anglo-saxonnes d’exploration du processus d’experiential learning, concept apparu pour la première fois grâce à Carl Rogers en 1969 (cité in Balleux, A. (2000) : page 268). Carl Rogers distingue deux modes d’apprentissage : la mémorisation qui est un apprentissage n’apportant pas de sens et ensuite l’apprentissage expérientiel qui est ancré dans l’expérience tout entière. Cet apprentissage demande que l’apprenant, en l’occurrence dans notre cas le coaché, s’engage cognitivement et affectivement dans le processus associé à son expérience personnelle. Le processus de production visuel permet au coaché un apprentissage authentique, non-académique, qui est fait et découvert par lui-même.

A chaque étape de ce processus, le coaché a pu engager un double processus de réflexion : à la fois « dans » l’action et « sur » l’action. Ce double mouvement devient une pratique réflexive qui induit un apprentissage réflexif pour le coaché. Nous sommes là en continuité avec les travaux de Donald Schön sur le praticien réflexif (1984). Ce processus réflexif permet au coaché potentiellement de rendre explicite ce qu’il a produit visuellement et ce qu’il l’a amené à le faire. Il facilite alors des conversations extériorisées et réflexives pour le coaché qui libèrent des « schèmes de pensées acquis qui enfermeraient et limiteraient la compréhension» (Fatien Diochon, P., Chanut, M. & Molinié, M. (2014) : page 162). Dans cette perspective, l’artefact visuel est pleinement un artefact cognitif qui facilite, sous une forme physique et un processus réflexif, un apprentissage en rendant visible le changement.

De l’apprentissage au changement
Si la production d’un artefact visuel facilite un apprentissage expérientielle et réflexif, mais pour quels changements ? Cette production s’inscrit dans des processus d’apprentissage qui permettent des changements de types 1 et 2 qui se distinguent par : « l’un prend place à l’intérieur d’un système donné qui, lui, reste inchangé, l’autre modifie le système lui-même » (Watzlawick, P., Weakland, J. & Fisch, R. (1975) : page 28).

Dans le changement de type 1, reposant sur un principe d’homéostasie, les artefacts visuels sont des facilitateurs potentiels néanmoins la transférabilité d’apprentissage lors du processus est plus faible dans la mesure où le changement conduit à des adaptabilités le plus souvent comportementales mais pas à des modifications profondes. Dans le changement de type 2, la puissance potentielle du processus de production s’exprime pleinement et la transférabilité est possible car il conduit à un bouleversement de soi qui relève d’un changement de paradigme individuel ou collectif.

Appuyons-nous sur un exemple de coaching d’organisation dans une entreprise confrontée à un changement de type 2. L’intention stratégique est l’apprentissage du compromis et du décider ensemble. Par la production d’artefacts visuels multiples dans des espaces physiques dédiés, les compromis se sont matérialisés par des visuels de construction et de priorisation décidés collectivement par les équipes. La pratique nouvelle expérimentée du « faire ensemble » a renversé la façon de travailler, de penser, de créer en équipes. Les équipes ont développé un apprentissage du meilleur fonctionnement ensemble, vecteur de performance collective. Elles ont défini et partagé, par ses expressions visuelles, un futur fédérateur et portant sens. Comme l’avait souligné un collaborateur : « il y a un peu de chacun de nous dans notre demain ». Ce partage a aussi conduit à un renforcement du sentiment d’appartenance par cette identité commune rendue visible. Elles ont acquis une confiance progressive dans leur capacité à agir, à être créatives, indicateur de cette intelligence collective qui s’est mise en action.

Ainsi, l’usage des artefacts a permis de vivre des expériences de modes de fonctionnement, de collaboration, de création qui progressivement sont devenus des apprentissages pour faire autrement dans les autres situations de travail. Ils ont été des « comme si » nous étions dans la situation réelle de travail quotidien.

2. Le coaching sur les artefacts visuels : créer du sens

Déplaçons notre angle d’analyse en nous focalisant sur le résultat de la production des artefacts visuels qui mobilisent tous les canaux de communication sensoriels. Notre hypothèse est que, lors du coaching, les artefacts visuels vont faciliter une connexion sensorielle à soi, une expression de soi, de ses émotions et de son intériorité, nourrissant une potentialité de création de sens, en l’occurrence de signification pour le coaché.

2.1. Vivre dans le processus de coaching une expérience de connexion sensorielle à soi qui fait sens

La communication en œuvre dans l’interaction systémique entre le coach et le coaché se joue sur un plan linguistique (ce qui est dit), extralinguistique (comment c’est dit) mais aussi sur un non-verbal qui appelle des modalités sensorielles tels que le regard. Cette communication nous renvoie au codage du langage, porté par un langage digital et un langage analogique qui se vivent dans cette relation (Watzlawick, P., Hemick Beavin, J., Jackson, D., 1972 [1967]). La perception, en particulier visuelle, est étroitement liée aux processus cognitifs. R.Arnheim (2019 [1976]) a associé le domaine sensoriel du visuel et le domaine cognitif de la pensée par le concept de «pensée visuelle » en affirmant que « percevoir visuellement, c’est penser visuellement ».

Depuis Aristote, dans son traité sur les êtres vivants De Anima (III – 424b20 – 425a13), la classification traditionnellement admise repose sur cinq sens qui sont autant de « modalités d’expériences sensorielles » (Casati, R. & Dokic, J. (2011) : page 32). Le langage analogique nous plonge dans nos expériences sensorielles, perceptibles ou invisibles. L’artefact visuel n’est pas alors seulement une question de pensée, d’activité cognitive, mais aussi une émergence renforcée de ces expériences des modalités sensorielles dans le processus de coaching.

2.1.1. Matérialité du coaching : un espace qui se met en scène
Les artefacts visuels font pleinement entrer le coaching dans un espace de matérialité et de sensations. Ils sont physiques, fabriqués, manipulables, affichables… Ils appellent des outils complémentaires qui envahissent l’espace, feuilles, feutres, post-it, images, gommettes, … Les artefacts visuels dépassent le cadre de leur propre matérialité pour devenir un espace qui se met en scène, qui s’organise selon ce qui est propre et spécifique aux équipes. Ils s’inscrivent alors dans une géographie de l’espace qui s’organise.

Par exemple dans ce coaching d’organisation, les domaines de conscience de Bateson se sont matérialisés dans l’espace physique du coaching. Chaque niveau s’est matérialisé par des post-it géants qui se sont nourris de visuels de couleurs spécifiques donnant lieu à des regroupements et arbitrages par le collectif. Les artefacts visuels positionnés dans un espace matérialisé accompagnent la mise en mouvement qui se vit dans le processus de coaching par un déplacement physique humain. L’espace visuel qui a émergé conduit à ne pas engager un déplacement seul mais avec les autres membres de l’équipe, facilitant à un apprentissage du agir ensemble. Ce premier pas pour se mettre en mouvement symboliquement se matérialise par un premier pas dans l’espace physique visuel. Ce mouvement d’allers et de retours possible afin que la cohérence s’installe entre tous les niveaux se matérialise et se renforce par le cheminement dans la géographie de l’espace physique de coaching qui devient espace d’intimité et d’interactions entre les membres de l’équipe.

Exemple de matérialité du coaching avec le Score dans une production mixte
Avec la pratique en mode distanciel (par webcam), il est possible aussi de matérialiser l’espace de coaching en l’inscrivant dans une géographie digitale. Ainsi prenons le cas du Score, créé par R.Dilts, qui vise à clarifier une situation problème et ses Causes, pour une recherche de potentielles solutions et impacts en s’appuyant sur des ressources. Le Score peut être conçu par un artefact visuel, par exemple par la visualisation d’une route. Le coaché choisit le personnage qui le représente symboliquement. Dans le cas du coaching d’un manager, celui-ci a choisi un personnage iconique qui court avec une valise. Son choix est issu d’un processus cognitif réflexif signifiant pour lui : « je cours tout seul dans la vie comme lui » et met en avant son driver « dépêche-toi ». Le choix du port de bagages est tout aussi signifiant pour lui : « je porte aussi des valises qui me bloquent parfois, c’est comme si je ne savais pas ce qu’il y avait dedans ». Ainsi le Score visuel apporte deux niveaux de lecture : celui du contenu de ses propres étapes, mais aussi une représentation de soi.

Observons une autre mise en œuvre du Score avec un coaching stratégique, mais sans aucune visualisation préalable de la route. L’espace du présent se matérialise par des vocables écrits sous forme de post-it virtuels et s’enrichit d’images choisis par le coaché qui sont toutes des balises de son cheminement. Une position meta émerge et se verbalise : « est-ce vraiment ce que je veux ? » dont le textuel renforce la puissance. Le Score devient ainsi une « ossature » visuelle qui sera nourrie au cours du processus. De la même manière, le coaché se met en mouvement en déplaçant ses murs virtuels, les complètent, les enrichit au-delà de la séance de coaching.

Une expérience de profusion sensorielle
Cette matérialité par l’artefact visuel devient espace de « vie des sensations» (Laplantine, F. (2005) cité (Howes, D. & Marcours, J.S. (2006) : page 8) qui interpelle les modalités sensorielles. L’artefact visuel est d’abord une expérience sensorielle qui se vit pour le coaché. Il n’appelle pas que le regard mais aussi la construction, la réalisation, le voir, le toucher, le déplacer qui conduisent à utiliser l’ensemble de ces modalités sensorielles. L’artefact visuel est aussi images, toucher, bruits, sons, odeurs… L’expérience sensorielle dépasse le visuel, et devient motrice, tactile, olfactive… Une simultanéité des sens s’active chez le coaché. L’artefact visuel n’enferme pas dans la frontière limitée de son organe de modalité sensorielle mais au contraire appelle d’autres sens, nous pourrions dire une «conjugaison des sens » (Le Breton, D. (2006) : page 26). Cette profusion sensorielle par les artefacts visuels permet au coaché de vivre une expérience sensorielle forte pour une reconnexion avec soi dans le processus de coaching.

Expérience d’unicité avec son corps
Le coaching vise l’unicité de la personne, donc aussi avec son corps, rappelant ces processus systémiques entre corps et intériorité. La connaissance de soi, cette visite de son intériorité, passe aussi par cette conscience de ce que l’on sent et ressent (Lowen.A in Curnier, J. (2015) : page 41). Les artefacts visuels et son espace matérialisé mettent le corps en mouvement dans le processus de coaching. Le coach accueille, questionne, accompagne ce ressenti vécu par le coaché dans cette mise en mouvement du corps. L’anthropologie des sens nous rappelle que l’expérience sensorielle peut varier dans les différentes cultures selon l’importance et la signification portées aux sens. Dans cette perspective, accorder une place à la perception sensorielle dans le coaching devient indicateur de compréhension pour le coach et éclairant sur le système culturel du coaché (Vinit, F. (2006) : page 231).

Que permet cette mise en mouvement du corps ? Elle ouvre d’autres angles de vue pour une mise en mouvement de soi pour le coaché. Les modalités sensorielles activées par et avec les artefacts visuels ouvrent des chemins différents et complémentaires pour requestionner ses propres logiques internes. Ils permettent par une connexion sensorielle de « lâcher prise en abordant la situation par un vecteur différent qui va faire évoluer le schéma de pensée» (Seiracq, S. ((2018) : page 151). La connexion à ses sens pour le coaché peut porter sens, faire sens, pour d’autres changements dans soi. Les artefacts visuels permettent au coaché de se projeter hors de lui-même par un rapport expressif différent qui passe par un langage du corps.

2.2. Rendre visible ses émotions

Les mots ne sont parfois pas disponibles pour exprimer les émotions et les sentiments ressentis, y compris dans le processus de coaching. Les artefacts visuels permettent d’accéder à ces compréhensions et expériences émotionnelles. Ils sont à la fois déclencheur d’émotions et expression d’émotions. Le visuel produit peut permettre au coaché de raconter son histoire sans mots permettant d’accéder à quelque chose sans parole à la fois du ressenti et de la nature émotionnelle de l’expérience. Dans le coaching d’équipe, le visuel facilite l’expression libre de sentiments et d’émotions qui sont difficiles à articuler à l’aide de mots seuls. Il est alors possible d’ouvrir des conversations différentes au sein de l’équipe sur le ressenti de chacun, et plus largement sur la légitimé des émotions individuelles et collectives. Cette expression émotionnelle libère potentiellement de la capacité à agir.

Dans le processus de changement, les artefacts visuels nourrissent la grille de lecture d’une courbe du processus de deuil, en renforçant et facilitant un questionnement du registre émotionnel. Ces émotions sont reconnues avant même qu’elles ne se chargent de représentations et sont l’expression d’une intelligence émotionnelle individuelle et collective. Chaque phase est ainsi nourrie et questionnée par des artefacts visuels qui deviennent facilitateurs. Des paroles émergent : « cela fait du bien d’écrire et de voir ce qui est important pour nous. On pourrait presque sentir le parfum des fleurs » (dans une visualisation d’un futur désiré par un jeu visuel de fleurs).

L’artefact visuel se met pleinement au service de « l’expression de soi » (Rogers, N. (2004) : page 3) en facilitant la création d’un environnement centré sur la personne où il est possible de communiquer par un langage digital et analogique. Les artefacts visuels agissent comme « une sorte de pont de communication pour conceptualiser »(Guillemin, G. & Drew, S. (2010) : page 178) des émotions et des idées complexes qui peuvent ne pas sembler cognitivement accessibles. Ils sont chargés de sens et facilitent l’émergence de mots en fournissant une manière différente pour s’exprimer.

2.3. Une proposition d’un espace de lisibilités du soi et du sens

Cet artefact visuel est alors objet intermédiaire en tant qu’outil de médiation entre le monde et soi. Par une méthode d’induction, il trace un chemin possible entre le visuel et la parole, permettant la formulation de ce qui peut être informulable pour le coaché, l’expression de l’indicible. Il prend le statut d’une « image mentale extériorisée et contrôlée » (Renaud, A. (1993) : page 25), permettant au coaché d’extérioriser sa pensée mentale, de la restituer mais en faisant des choix librement.

2.3.1. Un vecteur de lisibilité de soi qui crée du sens
Ces artefacts visuels ne sont pas de simples illustrations mais mettent en évidence un flot de perceptions floues, et permettent au coaché de documenter ce qui est significatif pour lui. Ils accompagnent et facilitent une connaissance de soi-même pour le coaché. Les artefacts visuels deviennent alors des représentations visuelles de l’intériorité du coaché signifiantes dans l’expression de la lisibilité de soi.

Produire un artefact visuel, dans un sens sémiotique, devient un mode de production d’un sens. Quand le coaché construit un artefact visuel, il produit un sens qui correspond à son intériorité, qui est sa référence interne de sa réalité. L’artefact visuel acquiert alors une dimension substitutive de sa réalité. D’un seul coup, sa réalité, sa carte du monde, devient présente, visible. Il est en contact avec elle et peut la regarder. C’est une « matière brute » fournie par l’artefact visuel qui devient une complémentarité possible au coaching. L’artefact visuel facilite l’expression de connexions pour des représentations conceptuelles restituées par la parole. Voire même libère la parole. Il aide le coaché à clarifier sa réalité, à sortir d’une possible confusion, à clarifier son objectif, à s’autoriser à dépasser ses contraintes, et ouvrent des possibles à explorer différents.

2.3.2. Une combinatoire de visible et d’invisible
L’usage de l’artefact visuel rentre dans un champ visuel qui a néanmoins un espace circonscrit avec des limites latérales physiques et géographiques. Coach et coaché ne perçoivent que ce qui est visible dans leurs propres champs visuels respectifs, le reste est déjà invisible. Dans la création visuelle, la perception s’arrête à la surface de la production, le sous la surface n’est pas vue ni le relief qui est seulement imaginé. L’ombre portée sur le dessin permet de pressentir une profondeur, le renforcement d’un trait indique une signification qui demandera une interprétation. Ainsi l’artefact visuel combine du visible et de l’invisible qu’il suggère.

Si l’artefact visuel fournit au coaché un outil de médiation pour accéder à une connaissance intérieure qui s’extériorise, il ne s’agit que de « fragments et de témoignages » de sa réalité (La Rocca, F. (2007) : page 35). Le coaché peut mettre lui-même des « balises », par exemple textuelles. Il est ainsi dans sa liberté exprimée d’imposer une clé de lecture de son visuel qui peut enrichir l’information contextuelle mais aussi la restreindre ou créer une illusion de lisibilité . L’artefact visuel peut ainsi conduire à une certaine «opacité » de visibilité (Vinck, D. (1990) : page 56), et par conséquent à des biais cognitifs de lecture qui rappellent l’importance du questionnement, de l’observation, et de l’écoute active du coach.

Cette combinatoire de visible et d’invisible nous renvoie à la coexistence entre langage digital et langage analogique qui forment symétrie et complémentarité dans les échanges de communication pour des éclairages de lisibilité mutuelle.

2.3.3. Ouvrir un espace des lisibilités
Cela revient à se poser la question : « Peut-on lire les images comme on lit un texte ? » (Ruby, C. (2017)). Doit-on conclure à la lisibilité complète de l’artefact visuel ou à un hermétisme rendant impossible toute compréhension ? Tout un nuancier est possible comme le propose l’auteur en ouvrant un « espace des lisibilités » (Ruby, C. (2017)). L’intention du coach est d’ouvrir cet espace des lisibilités comme un espace des potentialités de compréhension au coaché.

Doit-on s’enfermer dans un paradigme de lecture complète du visuel ? La Boussole du langage de P.Kourilsky ((2014 [1995]) peut apporter une clé de lecture de cet espace des lisibilités, ouvrant un espace de compréhension. L’invisible ou l’imperceptible de l’expérience sensorielle peuvent se décrypter potentiellement par le langage digital. Les filtres de perception de la réalité et représentations peuvent être identifiés. Cette lecture de l’artefact visuel permet de dépasser la connaissance factuelle de ce qui est visible pour accéder à cette connaissance interférentielle du monde du coaché qui n’est pas explicite directement dans le visuel.

Pourrait-on en conclure que cela reviendrait à considérer que tout est lisible et compréhensible mais pour qui ? Le coach ou le coaché ? Cela nous conduirait à une possible confusion entre le visuel et le langage, tout visuel serait ainsi langage. Dans le coaching, il est évident que le visuel conduit à une verbalisation mais peut rester dans le domaine de l’expérience sensorielle personnelle et intime du coaché.

Il ne s’agit pas de restreindre l’artefact visuel à une clé de lecture complémentaire du coach mais à une proposition de clé de lecture sur soi au coaché.

Cela nous conduit comme le souligne Ruby, C. (2017), à positionner le questionnement sur celui qui fait, qui voit et se met en mouvement, en l’occurrence le coaché. Plus que l’artefact visuel, ce qui est essentiel c’est la relation verbale qui y est associée. Le coaché exprime une traduction de la production visuelle qui est une interprétation qui porte sens pour lui. Il s’agit de laisser une part d’invisible à l’expression visuelle qui relève de l’intériorité même du coaché.

3. Du coaching sur des artefacts visuels aux métaphores picturales : éclairer le sens

Les artefacts visuels portent une capacité métaphorique qui ne peut que questionner le coaching conduit. Il peut sembler sans relation apparente d’associer artefacts visuels et métaphores comme si nous observions deux niveaux de communication, l’un portant sur la matérialité et la modalité sensorielle visuelle, et le second nous renvoyant à des processus cognitifs liés au langage et à la pensée. En réalité, langage, métaphore et artefact visuel entretiennent des liens complexes.

Sont-ils significatifs et quel est le sens de ces liens ? Métaphores du langage et métaphores picturales nourrissent des jeux subtils qui nous renvoient à l’approximation métaphorique qui peut être vecteur de distance ou au contraire de proximité dans la relation de communication coach/coaché mais aussi dans la propre visibilité de soi du coaché. La capacité métaphorique de l’artefact visuel lui confère une puissance abstractive possible qui renforce sa capacité de créer du sens dans le processus de coaching.

3.1. La métaphore : transport de sens et similitude hétérogène

La métaphore, figure de style issue de la rhétorique antique, définie par Aristote comme « le transport à une chose d’un nom qui en désigne une autre » (Poétique – CHAPITRE XXI – Des diverses espèces de noms), serait un déplacement sémantique qui consisterait à transposer une ressemblance d’un signe entre un signifiant et un signifié. Au-delà d’une figure de rhétorique, la métaphore transporte, au sens matériel comme abstrait, un transfert d’une signification d’un terme à celle d’un autre terme, un déplacement de sens (Ascher, F. (2005) : page 37) .

Dans le coaching, quelle place occupe ces métaphores ? Ne serait-elle qu’une « affaire de langage ou question de mots »(Lakoff, G. & Johnson, M. (2020 [1980]) : page 16) ? Pourtant, il apparait que « la métaphore est partout présente dans la vie de tous les jours, non seulement dans le langage, mais dans la pensée et l’action » (Lakoff, G. & Johnson, M. (2020 [1980]) : page 13). Ainsi notre système conceptuel est de nature métaphorique. Cette verbalisation métaphorique est présente inévitablement dans le coaching, a minima dans celle du coaché. Citons, par exemple : « je suis dans le brouillard », « je suis tombé bien bas »,… Il ne s’agit pas de la considérer dans sa littéralité qui conduit à un risque du «prendre en propre » (Charbonnel, N. (1999)) mais questionne le sens. Ainsi, ce post-it rédigé par un coaché : « on voit le bout du tunnel », il est évident qu’il n’est pas physiquement dans le tunnel. Il cache un autre système métaphorique entre sombre/lumière. Quelle signification porte cette métaphore pour le coaché ? Et c’est bien ce sens que le coach questionne sur ce ressenti, sur ce qu’il y a dans le tunnel, et surtout au bout du tunnel, que rencontre le coaché ?

Cet autre manager explique que le coaching serait pour son équipe afin que « la troupe soit mieux armée » car « tous les jours, pour défendre nos projets, c’est un combat. Je monte en première ligne, j’aimerais rester dans la tranchée, mais il faut aller au front». Il s’agit là d’un acte de discours métaphorique entre deux réalités hétérogènes. Le coach ne peut que porter attention à ce « régime sémantique expressif » (Charbonnel, N. (1999) : page 2) porteur de sens. Cette perception métaphorique « structure les actes » (Lakoff, G. & Johnson, M. (2020 [1980]) : page 14), tout du moins en partie. Ce langage métaphorique est un indicateur précieux pour le coach mais pas que cela. Il ouvre un questionnement qui permet de rebondir sur un principe de métaphore filée : Et si vous ne montiez pas au front, le terrain de paix serait-il possible…D’autres registres métaphoriques peuvent être explorés qui sont des potentiels angles de vue différents pour l’émergence de l’objectif et de mises en action.

Les métaphores du langage sont-elles uniques ? Lakoff, G. & Johnson, M. (2020 [1980]) adressent l’idée que la métaphore est avant tout une question de pensée et ensuite une question de langage. Ce qui conduit à considérer que les métaphores existent dans des modalités verbales et non-verbales. Dans cette optique, Lawley, J. & Tompkins, P. ((2018 [2006]) : page 17) nous proposent 4 catégories de métaphores qui permettent un élargissement : « Verbal, Non Verbal, Matériel et Imaginé » qui interpellent la situation de coaching.

Des artefacts visuels aux métaphores picturales
Des métaphores verbales et non-verbales émergent et envahissent l’espace de travail du coaching. Les artefacts visuels donnent lieu à un processus qui se vit dans cette présence métaphorique. Ils peuvent prendre potentiellement un statut métaphorique que nous qualifierons de métaphore picturale, concept que nous retenons de Forceville, C. ((1998, 2002) cité in Ortiz, M. (2011) : page 1569). L’artefact visuel s’imprègne alors d’une dimension symbolique matériel, analogique (avec des signes), mais aussi potentiellement digital (avec le renforcement de balises textuelles par exemple) qui lui donne un statut de métaphore picturale, permettant alors de renforcer la compréhension éclairante de la métaphore verbale.

Cette diversité de formes métaphoriques ne peut être ignorée du coach dans ce qui se passe dans la séance de coaching. Cet ensemble nécessite une grille de traduction des filtres métaphoriques permettant de comprendre les interactions étroites et complexes qui se nouent entre ces différentes dimensions métaphoriques. Lawley, J. & Tompkins, P. ((2018 [2006]) : page 24) nous proposent de considérer toutes les métaphores en expression symbolique en distinguant deux modes de traduction qu’ils nomment « verbaliser» et « vivre physiquement».

Dans le premier, il s’agit de traduire par le langage la symbolisation des comportements non verbaux, de l’imaginaire, mais aussi du matériel dont les artefacts visuels.
Dans le second, nous avons le mouvement inverse. Les métaphores du langageengagent un voyagent vers une traduction dans les comportements et dans les artefacts visuels. Les métaphores imaginaires se traduisent alors par le non-verbal et/ou les artefacts visuels et matériels.
Nous constatons que les artefacts visuels ont une place dans un double flux entretenu entre langage et imaginaire. Ce système met en avant que la métaphore picturale, et plus largement l’ensemble des métaphores, représente une expérience en termes d’une autre expérience. L’expérience métaphorique imaginaire s’exprime par une expérience métaphorique visuelle qui elle-même peut s’exprimer en termes de langage.

Comment les métaphores sont exprimées visuellement ? Notre questionnement envisage potentiellement deux approches :

Se concentrer sur ce qui est sur l’artefact visuel, sur ce qu’il représente.
Mais il est possible aussi de se concentrer sur la manière dont la métaphorepicturale est représentée. L’orientation spatiale, le positionnement des différents éléments, leur taille, leur distance, l’avant-plan et l’arrière-plan, la composition générale, sont des ressources possibles de compréhension du sens métaphorique.
Dans les deux cas, ces ressources visuelles ont une valeur informationnelle précieuse tout en étant prudent sur les fausses évidences.

3.2. Créer et éclairer le sens avec et sur les artefacts visuels métaphoriques

3.2.1. Une grille de lecture de compréhension pour le coach
La compréhension par le coach de l’usage de métaphore picturale éclaire potentiellement sur les structures cognitives du coaché (Marshak, R.J. (1993), et plus largement la « double » potentialité signifiante, par sa matérialité et par le langage, de l’expression visible et manifeste de pensées profondes conscientes et inconscientes.

Compréhension aussi de la représentation de la carte du monde du coaché. La détection des systèmes métaphoriques visuels et verbaux du coaché aide à comprendre comment le coaché comprend et interprète les situations qu’il vit (Gray, D. (2007) : page 507), l’ensemble constituant un système d’indices signifiants (Emson, N. (2016) : page 49). Cette compréhension peut aussi conduire le coach à une stratégie possible de se mettre en phase sur le même registre métaphorique, voire d’inviter le coaché sur un registre opposé. Une extériorité cognitive du coach avec ses propres représentations et significations métaphoriques s’impose. C’est à cette condition que l’indice de l’intériorité du coaché est repérable. La reformulation compréhensive sera précieuse pour le coach en ouvrant des champs possibles de précisions, de nuances, proposant des associations nouvelles d’idées et de pensées.

3.2.2. Pour le coaché : réflexivité et apprentissage
Les métaphores picturales sont aussi des leviers de réflexivité sur soi pour le coaché. Elles peuvent lui faciliter l’expression d’une pensée, d’une perception, de ce qui ne semble pas accessible directement ou facilement par le langage, consciemment ou inconsciemment (Marshak (1993) : page 45). Elles appellent d’autres métaphores qui de nouveau s’expriment et se visualisent dans un cheminement complexe. Ces expressions visuelles métaphoriques et langagières sont aussi des liens de connexion et de partage émotionnel qui se visualisent et se renforcent dans le coaching d’organisation.

Les artefacts visuels métaphoriques encouragent un coaching réflexif pour les coachés qui appelle à une revisite exploratoire de certitudes, de croyances limitantes, à l’exploration nouvelle d’hypothèses prises pour acquises. Ils ont un potentiel d’ouverture de lecture sur soi pour le coaché. Et peuvent alors servir de véhicule interprétatif pour aider le coaché à construire et à donner un sens à son propre récit (Barner, R. (2011) : page 91) favorisant la congruence.

3.2.3. Les artefacts visuels métaphoriques : des catalyseurs potentiels de transformation
Les artefacts visuels métaphoriques offrent alors une capacité réflexive et d’apprentissage qui est renforcée. Ils sont des catalyseurs potentiels de changement pour le coaché. De par la revisite différente de soi qu’ils proposent, ils peuvent enrichir la projection du futur souhaitée.

Au-delà, ils sont des catalyseurs perceptifs renforcés, qui, de par le transport et la matérialité qu’ils apportent, ont une forte capacité à inventer du sens. Rappelons-nous que la métaphore est soumise au transport qui appelle un trajet, une feuille de route, une trajectoire. Mais aussi une carte pour se repérer, pour définir une orientation. Ce voyage se structure dans l’espace et dans le temps avec une planification, des escales, … Nous retrouvons là nombreux éléments du Protocole de formulation et de détermination de l’objectif dont l’artefact visuel métaphorique contribue à son élaboration et à sa visualisation.

Ce transport métaphorique appelle une carte visuelle métaphorique, un « paysage métaphorique » (Lawley, J. & Tompkins, P. ((2018 [2006]) : page 24), qui représente une configuration des symboles du coaché qui lui est propre. Nous retrouvons ici une matérialité visuelle possible de la métaphore de la carte et du territoire (Korzybski, A. (2013 [1997] : page 112), comme une représentation abstractive de son intériorité exprimée par le coaché. Telle une carte géographique, elle va être étayée de balises, d’indications. Elle appelle des processus de simplification qui paradoxalement éclaireront encore mieux sa signification et sa direction.

Cette réalisation d’une carte visuelle métaphorique renforce la projection de ce transport à conduire et facilite l’ancrage des changements à conduire. Il pourra être possible d’accompagner le coaché par un procédé de transposition analogique sur d’autres scènes qui sont celles de sa réalité, « de créer un pont symbolique » (Seiracq, S. ((2018) : page 165). La carte métaphorique visuelle devient « la scène d’un récit métaphorique » (Bioy, A. (2011), page 178) qui permet d’éclairer des alternatives nouvelles.

Le transport narratif
Ce voyage métaphorique nous renvoie aussi au transport narratif utilisé en littérature, qui se produit quand un lecteur, pris dans une histoire, rentre alors mentalement dans ce récit, s’immerge dans ce monde narratif (Green, M. (2008) : page 1). Ce transport repose, entre autres, sur une émotion empathique et sur un processus imaginaire. De la même manière, l’artefact visuel métaphorique entretient un lien étroit avec le récit du coaché qui devient un transport dans lequel il s’immerge. Dans le coaching, le récit n’est pas une projection par un tiers mais une narration puissante qui est propre au coaché transporté par son propre récit. Dans le coaching d’équipe, chacun devient auteur et lecteur du récit collectif.

Pour réaliser ce transport métaphorique, en l’occurrence entre ici et le demain où il veut être, le coaché doit être motivé pour envisager que ce trajet est possible. L’imagination du possible utilisé dans le transport narratif est aussi un levier dans le coaching. La mise en récit du futur possible par le coaché crée un transport narratif dans sa propre histoire, permet de rendre accessible une image mentale du futur et renforce la croyance que l’objectif souhaité peut être atteint. Cette visualisation du possible est renforcée par l’artefact visuel qui ancre cette image mentale, et rend plus « réelle » la destination.

3.3. De l’usage intentionnel des artefacts visuels métaphoriques dans le processus de coaching

Les artefacts visuels métaphoriques facilitent des connexions pour des représentations conceptuelles restituées, créent du sens et facilitent l’émergence du sens par la parole. Ils laissent place à d’autres techniques comme le coaching narratif et s’inscrivent alors dans des démarches combinatoires.

3.3.1. Coaching narratif : renforcement de l’externalisation des conversations avec l’apport des artefacts visuels métaphoriques
Transport narratif et carte visuelle métaphorique nous renvoie à la possibilité de s’ouvrir vers le coaching narratif dont les fondateurs sont Michael White et David Epston qui s’inspirent notamment des travaux de Gregory Bateson (Jensen, T.R., Rauff Høyer, T. and Spaten, O.M. (2018) : page 28). Il s’agit de créer un espace pour que les coachés racontent leurs histoires et en expérimentent de nouvelles par l’utilisation de méthode d’externalisation des conversations.

Les artefacts visuels métaphoriques sont des outils pour accompagner ces conversations extériorisées. Ils peuvent potentiellement représenter le problème qui sera visualisé par le coaché en facilitant leur expression par le récit narratif (Mengelle, C. (2021) : page 81). Les cartes visuelles métaphoriques peuvent aussi être questionnées afin de faciliter la génération des histoires alternatives (Jensen, T.R., Rauff Høyer, T. and Spaten, O.M. (2018) : page 30), qui forment de nouvelles perspectives. L’ensemble aide à faire surgir de l’inédit par l’émergence de liens invisibles qui se révèlent par cette approche entremêlée entre visuel et narratif.

L’artefact visuel métaphorique fournit un support de suivi, de complémentarité au contenu des histoires racontées par le coaché, et des indices éclairants. Une double orientation permet un travail différent narratif :

L’Artefact visuel est la métaphore du présent et ouvre sur les récits disponibles. Cet espace narratif et visuel éclaire alors le système identitaire du présent hérité et intériorisé, et la prise de conscience des limites de la narration disponible. Il est possible d’inviter à sortir des frontières normatives du visuel, au-delà du visuel, de son support, que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui pourrait être possible ?… Ce questionnement sur les limites du récit qui est renforcé par l’artefact visuel accompagne progressivement une perception d’un autre possible, et une mise à distance du présent.
L’artefact visuel métaphorique du futur ouvre sur des histoires alternatives. Il s’agit là d’entrer dans l’espace de ce que nous pourrions devenir, aimerions, aurions peur de devenir, ou désirons ardemment. Des histoires nouvelles à construire sont alors possibles, motivées, deviennent aspirantes, renforcées par l’expression visuelle, pour une mise en mouvement.
Plus largement, nous pouvons considérer que les cartes visuelles métaphoriques vont être utiles dans le travail narratif du coaching, et accompagnent la structure du schéma narratif du coaché avec un questionnement aligné :

  • Les visuels en appui du récit fournissent un ordonnancement de la temporalité qui accompagne le questionnement sur l’identité.
  • La spatialité du visuel ouvre une réflexion sur le comment naviguer.
  • La matérialité du visuel par sa démarcation offre un sentiment d’accessibilité.
  • Le visuel aide à faire émerger des liens de causalité qui permettent une compréhension et éclaire des mises en mouvement possibles.
  • La visualisation des points finaux tels que le bout du chemin facilite l’émergence du sens afin d’accompagner les choix.

3.3.2. Appreciative inquiry
Le coaching narratif combiné à la production des artefacts visuels métaphoriques ouvrent aussi la voie aux démarches d’appreciative inquiry. Quel est l’élément moteur de l’ensemble ? L’ensemble appelle la puissance portée par le questionnement qui est la porte d’entrée de compréhension du coach et de la démarche réflexive aidante pour le coaché. Le changement commence par le sens des questions que le coach pose. Nous retrouvons les fondements de l’appreciative inquiry qui, par la puissance du questionnement et des histoires, ouvre des dimensions cognitives, émotionnelles et comportementales focalisées sur les énergies positives. La création d’un artefact visuel est déjà une exploration appreciative qui repose sur les 4 temps : Ce qui est – Ce qui pourrait être – Comment cela pourrait être – Ce qui sera, et plus largement sur ses principes :

  • L’artefact visuel contribue au principe constructiviste car si nos mots construisent notre monde, la production visuelle contribue aussi à la réalité du coaché qui crée le monde à travers ses formes de discours relationnel, mais aussi avec ses métaphores et ses histoires. L’artefact visuel métaphorique devient acte, un outil puissant qui fait quelque chose, un dispositif de navigation avec sa carte qui permet de se déplacer vers un changement.
  • Le principe de simultanéité se met en œuvre en associant une exploration du visuel produit et du questionnement qui dès ce moment provoque déjà des changement Production visuelle, questionnement et changement ne sont pas des instances séparées mais des alchimies de temporalité concomitantes.
  • Le coaché est pleinement libre de par son objectif qu’il a défini et choisit son objet d’artefact visuel de par le principe poétique. Ce choix du contenu, du contenant, du signifiant et signifié, est une représentation de sa réalité présente et de son futur désiré. — ‑L’artefact visuel métaphorique ouvre des perspectives de nouvelles possibilités, de cheminements, et se laisse guider par l’imaginaire.
  • Par un principe d’anticipation, l’artefact visuel métaphorique inspire l’action. L’objectif formulé positivement se matérialise potentiellement par ce visuel qui agit comme renforcement motivation
  • Grâce au principe de positivité, l’artefact visuel est appuyé par un questionnement qui conduit à générer des changements inspirants renforçant une motivation.
  • L’artefact visuel métaphorique reprend le principe de modélisation en incarnant les changement Il répond au principe d’agir « comme si » qui installe le changement.
  • Le principe narratif considère que les histoires tissent une connexion qui relie le passé au futur. L’artefact visuel métaphorique nourrit et s’enrichit des récits comme catalyseur complémentaire du changement.
  • De plus, la liberté de produire cet artefact laissé pleinement au coaché répond au principe du libre choix qui libère les énergies.

 

L’artefact visuel métaphorique participe à ce principe de connexion générative qui conduit à des changements positifs. Il contribue à la recherche de nouvelles idées, de champs possibles, qui libèrent l’aspiration individuelle et collective. Des hypothèses et des actions qui n’étaient pas envisageables deviennent possibles de par leur nouvelle lisibilité (Bushe, G. (2007) : page 31). L’artefact visuel métaphorique est contributif à la mise en mouvement. Il soutient, facilite, libère l’émergence de la créativité et d’émotions positives de la démarche appréciative.

Et pour conclure…

Les artefacts visuels permettent d’ouvrir une rencontre possible pour une communication entre analogique et digitale. Par la subtilité des nuances qui s’y expriment, ils peuvent aussi permettre et faciliter l’expression émotionnelle, les sentiments internes, une reconnexion avec soi, avec ses modalités sensorielles, favoriser des indices de contextualisation de compréhension, ouvrir des hypothèses et pistes nouvelles de changement. L’ensemble de notre analyse nous conduit à repositionner la relation entre visuel, langage et coaching en considérant que les artefacts visuels soutenus par le langage apportent soutien, éclairage, mise en mouvement dans le processus de coaching.

La dimension métaphorique de ces expressions visuelles éveille les capacités créatives en autorisant par des permissions à sortir du rationnel, à ressentir, à imaginer, accompagnent un renforcement des ressources intrinsèques des coachés, facilitent la découverte de leur potentiel créatif pour des transpositions dans d’autres dimensions de mise en mouvement. Les artefacts visuels métaphoriques ouvrent une nouvelle perspective de créativité pour le coaché en offrant des « expériences stimulantes et interpellantes » (Rogers, N. (2004) : page 2) et contribuent à cette « créativité constructive » (Rogers, C. (2018 [1980]) : page 234) qui porte apprentissage et changement.

Par Florence Delacour Le Petit, consultante chez Square.

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