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Revue Banque

– le 21 Juin 2023

Gestion des prêts non performants et maîtrise du coût du risque de crédit ;mise en œuvre de CRR3 et des normes bâloises pour le ratio de solvabilité bancaire ; prise en compte de la durabilité dans le cycle de pilotage des risques financiers ; transformation des processus pour une meilleure exploitation de la donnée : les fonctions Risque et Finance sont en première ligne.
La dégradation du contexte macro-économique, dont la fin des aides gouvernementales type prêts garantis par l’État (PGE), laisse entrevoir depuis 2022 une hausse de la défaillance des entreprises et, plus globalement, celle du risque de crédit et des portefeuilles de prêts non performants. Avec la mécanique prudentielle désormais en place, les provisions pèseront davantage sur le résultat et le capital disponible.

Plusieurs leviers existent pour anticiper et limiter la dégradation de la qualité de crédit :
– dès l’entrée en relation, par exemple, avec une tarification adaptée au risque, qui s’appuie sur la prise de garanties reconnues sur le plan réglementaire ;
– ensuite, la mise en place d’une détection de signaux faibles permettra de mieux prévoir la survenance d’un impayé : un meilleur suivi des clients facilite l’instauration de mesures appropriées telles que la restructuration de créances ;
– enfin, lorsque l’impayé est survenu, la banque dispose de leviers lors des phases de recouvrement.
Ces éléments ont été intégrés dans le cadre réglementaire (directive Loan Origination and Monitoring), dont la mise en œuvre va se poursuivre et sera auditée par les autorités tout au long de l’année.

L’optimisation du pilotage des NPL (Non Performing Loans) est d’autant plus importante que la trajectoire de capital réglementaire est bouleversée par la mise en œuvre de CRR3 (Capital Regulatory Requirements) et de ses modes de calcul du ratio de solvabilité. CRR3 introduit surtout des mesures visant à limiter le recours et les gains générés dans le pilotage des risques par les modèles statistiques des banques. Concrètement, les exigences en capital, globalement, s’accroîtront, voire deviendront rédhibitoires sur certains portefeuilles.

Les banques auront donc à charge la projection, à partir de 2025 – date d’entrée en vigueur de CRR3 –, de la rentabilité des divers métiers à l’aune de ces contraintes réglementaires, en complément des chantiers d’adaptation des outils de pilotage et de calculs des risques, en particulier pour intégrer de nouveaux axes d’analyse de ces derniers.
À ce stade, la supervision bancaire n’a pas encore intégré de mesure contraignante en termes d’exigences quantitatives au titre du Pilier 1 sur la prise en compte des risques climatiques.

Une intégration opérationnelle de la durabilité

En revanche, et c’est le troisième chantier, les autorités ont rappelé à plusieurs reprises fin 2022 leur niveau d’exigence sur l’opérationnalisation de prise en compte de la durabilité dans les stratégies. Plus précisément, sur la base de la documentation réglementaire existante (dont plus de 40 exigences sur le pilotage du risque climatique ainsi qu’un recensement de bonnes pratiques observées sur la place) et d’audits réalisés en 2022, la BCE puis l’EBA ont publié des alertes sur la maturité des institutions et la mise en œuvre effective d’un cadre de gestion de ces risques.
Les outils de pilotage opérationnels et les instances de suivi des risques, avec des mesures normées, restent à construire. Les établissements vont être particulièrement attendus sur ce plan ces prochains mois, notamment quant à leur capacité à produire des métriques robustes, s’appuyant sur des données qualifiées.
La capacité à collecter et urbaniser des données susceptibles de contribuer à l’appréhension des risques physiques et de transition constitue le quatrième chantier bancaire. Au regard de la diversité des typologies de données et du nombre de fournisseurs potentiels, les environnements techniques et les compétences fonctionnelles des équipes vont devoir profondément évoluer pour intégrer ces structures d’informations et enrichir les modèles de risques, calculateurs et outils de monitoring des portefeuilles.
Ces enrichissements permettront à leur tour de développer de nouvelles capacités d’analyse stratégique de rentabilité avec l’éventuelle nécessité d’ajuster le modèle d’affaires. Dans la continuité des travaux entrepris depuis environ deux ans, les établissements vont devoir renforcer le dialogue avec les autorités et les investisseurs pour partager les nouvelles tendances et perspectives en matière de rentabilité et de profil de risque.

Un équilibre à trouver

Après l’effet de reprise post-Covid, l’économie fait face à de nombreux défis pour consolider sa croissance. Les banques doivent continuellement s’adapter et peuvent capitaliser pour cela sur leur résilience financière. Elle s’est notamment illustrée lors des
annonces concernant les banques californiennes et Credit Suisse ; les établissements ont ainsi valorisé leur réserve de liquidité et un important volume de fonds propres de grande qualité pour rassurer sur leur capacité à continuer à financer l’économie,
notamment à travers l’investissement des entreprises et la consommation des ménages. Dans un marché très concurrentiel et en voie de profonde transformation, l’équation budgétaire entre rationalisation des dépenses et investissements requis pour relever ces défis s’annonce épineuse. 

Par Adrien Aubert, Associate Partner Square Management.

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