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AGEFI Luxembourg

– Février 2022
Depuis le 3 janvier 2018, les prestataires de services d’investissement des pays membres de l’Espace Économique Européen (EEE) sont tenus d’appliquer la nouvelle réglementation européenne sur les marchés d’instruments financiers (MiFID 2), dont l’objectif est de créer des marchés financiers plus équitables, transparents, efficaces et intégrés. Au Grand-Duché, MiFID 2 a été transposée en droit local par la loi du 30 mai 2018 relative aux marchés d’instruments financiers.
Cependant, la crise sanitaire engendrée par la pandémie de Covid 19 a poussé l’Union Européenne à assouplir certaines règles édictées par MiFID 2 en introduisant des « quick fix ».

Dans ce sens, les amendements “Quick fix” à MiFID 2 qui ont été publiés au Journal Officiel (EU 2021/338)[1] le 26 février 2021 visent à soutenir la reprise économique après la pandémie de COVID-19, avec pour moyen l’allégement de certaines exigences administratives imposées aux entreprises.  Ces nouvelles mesures entendent modifier, de façon ciblée, quelques règles de MiFID 2 relatives à la gouvernance des produits, à la divulgation des coûts et charges « ex ante », aux exigences en matière d’information des clients, aux marchés dérivés de l’énergie, ou encore aux exigences de meilleure exécution.

Au niveau européen, ces nouvelles dispositions issues de la directive MiFID 2 « Quick fix » devront être appliquées à partir du 28 février 2022 ; les États membres avaient jusqu’au 28 novembre 2021 pour adopter, au préalable, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive.

Au Luxembourg, cette directive a d’ores et déjà été transposée par la loi du 21 juillet 2021.

Au-delà de l’assouplissement du cadre règlementaire de MiFID 2, il convient de s’interroger sur les potentiels impacts de ces aménagements et sur la faisabilité de leur mise en œuvre.

Communication électronique avec les clients 

Pour faciliter la communication et le processus d’investissement, la directive prévoit que les communications sur les informations relatives aux investissements soient réalisées au format électronique par défaut, avec la possibilité pour les clients d’opter pour le format papier. Ainsi les entreprises doivent, dans leur système d’information, avoir la possibilité de désactiver les communications papier lorsque les clients éligibles choisissent de le faire. Telle modification serait alors un « quick win », car les modifications de l’interface de production des communications sont relativement faciles à mettre en place d’un point de vue IT.

Coûts et Frais « ex ante » 

La directive introduit une nouvelle exemption de l’obligation de fournir des informations sur les coûts et les frais « ex ante » relatifs aux contrats d’achat ou de vente d’instruments financiers conclus à distance. Les entreprises devront alors fournir ces informations sur les coûts et les frais après la conclusion de la transaction, dès lors que le client a consenti à recevoir ces informations, et que l’entreprise a donné au client la possibilité de retarder la transaction jusqu’à ce que ce dernier ait reçu les informations. Cette exemption porte dans ses termes un avantage limité, car le conseil en investissement (information basée sur les transactions) et la gestion de portefeuille (information lors de l’établissement de la relation) ne rentrent pas dans le cadre de cette directive « quick fix », et restent donc soumis aux règles édictées par MiFID 2.

Suspension temporaire des rapports sur la meilleure exécution (« best exécution »)

Les modifications apportées par la directive prévoient une suspension temporaire de l’obligation faite aux systèmes de négociation et aux internalisateurs systématiques de soumettre des rapports trimestriels sur la meilleure exécution en vertu de RTS 27. L’exemption de fournir ces rapports de meilleure exécution s’applique uniquement aux lieux d’exécution et aux internalisateurs systématiques, ne générant aucune valeur ajoutée pour les banques. Etant donné que la suspension ne peut prendre effet avant sa transposition dans le droit national des États membres, la suspension ne s’appliquerait qu’à partir du 28 février 2022, et ce jusqu’au 27 février 2023. A cet effet, il reste à définir si la Commission Européenne prendra des mesures pour appliquer la suspension à partir d’une date antérieure (par exemple, par le biais d’une déclaration d’abstention ou de questions-réponses interprétant la législation sur les solutions rapides).

Exemptions des exigences en matière de gouvernance des produits

La directive Mifid 2 « Quick fix » introduit également une exemption portant sur les exigences de gouvernance des produits pour les obligations d’entreprises simples contenant des « clauses de remboursement make-whole» ; de tels produits étant généralement considérées comme sûrs, simples, et adaptés aux clients de détail (à condition qu’ils n’incluent pas d’autres dérivés intégrés). Toutefois, il convient de noter que ces dites clauses « make-whole » pourraient, en l’état, requalifier les obligations comme PRIIP et les rendre donc inadaptées aux clients de détail de l’EEE, sans la fourniture d’un document d’informations clés (DICI).

De plus, partant du principe que les contreparties éligibles ont une connaissance suffisante des produits financiers, la directive « quick fix » prévoit d’exempter les contreparties éligibles des exigences en matière de gouvernance des produits relatives aux instruments financiers, dès lors que ces produits sont distribués exclusivement à des contreparties éligibles.

D’un point de vue bancaire, l’impact de ces deux exemptions liées à la gouvernance reste somme toute limité pour les entreprises qui ne sont pas des fabricants de produits en tant que tels. Ces modifications pourraient potentiellement impacter la capacité des établissements financiers à recommander certains produits.

Analyse Coûts-Avantages

Les entreprises sont désormais tenues de procéder à une analyse coûts-avantages lorsqu’elles fournissent des conseils en matière d’investissement ou de gestion de portefeuille impliquant un changement d’instrument financier. Lorsqu’elles fournissent des conseils en investissement, les entreprises devront indiquer aux clients si les avantages d’un changement de produit l’emportent sur les coûts. Toutefois, les entreprises ne seront pas tenues d’effectuer cette analyse coûts-bénéfices en cas de changement de produit pour les clients professionnels, sauf si ces clients décident de recevoir cette information. Les institutions financières devront alors étoffer leur documentation afin de renseigner correctement le passage d’une solution d’investissement à une autre.

Gouverner, c’est prévoir

Dans un contexte de forte pression réglementaire, en constante évolution, les établissements financiers ont mobilisé d’importantes ressources – humaines, financières, logistiques ou techniques — pour la mise en œuvre de MiFID 2, bouleversant ainsi leurs choix d’investissements, altérant leur process et transformant leurs organisations. De surcroît, la nature par essence « doctrinale » de la directive a pu faire apparaître des difficultés d’applicabilité d’un point de vue opérationnel, laissant émerger des niveaux de maturité hétérogènes au sein d’un écosystème bancaire et financier local. À cela, les impacts de la crise sanitaire sur les organisations sont venus aggraver les retards déjà constatés chez certaines enseignes dans le déploiement des obligations règlementaires liées à MiFID 2.

Une analyse des écarts (gap analysis) entre les mesures déjà présentes et celles introduites par cette nouvelle directive MiFID 2 « quick fix » est donc à réaliser, avec le concours d’une société de conseil spécialisée par exemple, aux fins d’identifier les actions à entreprendre en fonction de leur niveau de criticité et de faisabilité. L’objectif étant de mener à bien l’implémentation de ces amendements, qui, il faut l’espérer, permettront aux établissements concernés de rattraper leur retard, voire d’anticiper les évolutions réglementaires à venir. Dans une logique de continuelle adaptation aux enjeux de société et de protection des investisseurs, la directive MiFID sera encore tôt ou tard modifiée et enrichie, incluant par exemple des critères ESG ou l’ajout d’une nouvelle catégorie d’investisseurs. Affaire à suivre donc…

Par Guillaume Fabre-Gosa, Manager chez Square.
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