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Le Revenu

– le 9 mai 2021

Les Français sont à la recherche de transparence et veulent que leur argent ait un impact positif sur l’environnement et l’économie. Aujourd’hui les consommateurs font des choix de consommation guidés par leurs aspirations. Le produit seul n’est plus suffisant pour déclencher l’acte de consommation, le client cherche à avoir un impact positif grâce à ses choix.
Preuve en est, ces dernières années, la croissance des produits biologiques et le développement des acteurs de la consommation en circuit court.

Cette prise de conscience est accompagnée et facilitée par l’arrivée de nouveaux acteurs, comme l’application Yuka, qui permet de rapidement évaluer l’impact des aliments ou de la cosmétique sur la santé et qui a pu faire bouger les lignes de l’industrie agro-alimentaire avec certaines évolutions de recettes de la part d’industriels désireux de voir leur note s’améliorer sur l’application.

Cette nouvelle façon de consommer s’étend à tous les secteurs d’activité et le monde de la finance ne déroge pas à la règle.

En quête de transparence

Les Français sont à la recherche de transparence dans leur relation avec les institutions financières et veulent que leur argent ait un impact positif sur l’environnement et l’économie.

Si des critères et des labels existent pour qualifier les investissements responsables, le grand public ne semble pas familier avec les termes ESG ou ISR. Cela nuit à la visibilité des investissements socialement responsables et des placements de la finance durable auprès des épargnants.

De plus, le public a développé un sentiment de défiance vis-à-vis des établissements financiers, qui peinent à redorer leur image souvent mise à mal par différents scandales comme le financement polluant des énergies fossiles ou l’évasion fiscale avec les Panama papers.

Il existe donc un fossé entre les attentes des consommateurs et l’offre proposée par les banques.

Ce décalage ne vient pas forcément du manque d’alignement entre l’offre et la demande, mais plutôt de plusieurs facteurs, mêlant manque de visibilité et méconnaissance des produits existants au manque de confiance dans la relation institution financière-épargnant. Un terreau fertile au développement d’une nouvelle offre, basée sur une relation de confiance au service des aspirations des épargnants.

Une offre d’épargne responsable

La finance a fait évoluer ses produits pour leur donner une dimension verte et sociale, comme la création, en 2007, du Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS), qui vient financer les projets de rénovation énergétique des bâtiments grâce aux fonds collectés. Le LDDS est le produit d’épargne réglementé le plus populaire après le Livret A.

D’autres produits financiers ont été créés ou adaptés pour intégrer des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ou pour orienter les flux financiers vers des entreprises vertueuses. Des labels assurent de la conformité de l’investissement avec le développement durable, à la manière du label AB pour garantir que le produit alimentaire est issu de l’agriculture biologique.

Cependant, malgré tous leurs atouts, ces produits restent complexes et peu corrélés avec l’économie réelle.

Deux freins sont présents.

D’un côté, les produits de la finance responsable, adossés à la Bourse ou aux obligations d’État, manquent d’accessibilité par leur complexité, rendant la compréhension du produit difficile (investissement dans un fond ISR via une assurance vie) ou par des droits d’entrée élevés qui excluent un grand nombre d’épargnants.

D’un autre côté, ces produits financiers nourrissent le système boursier et non l’économie réelle, devenant inaccessibles aux entreprises qui n’ont pas la capacité de réaliser des émissions obligataires sur les marchés.

Le manque de possibilités de tracer l’argent placé n’est pas en phase avec le besoin de transparence des épargnants et leur volonté d’avoir un impact avec leurs économies. Ces produits continuent donc de nourrir le sentiment de défiance des Français envers la finance, flirtent avec le «greenwashing». L’épargnant a le sentiment illusoire d’une utilisation de son argent en accord avec ses convictions sans toutefois qu’un impact réel soit vraiment quantifiable.

Ainsi, si ces produits de la finance verte peuvent donner bonne conscience aux épargnants, à la manière du tri sélectif de leurs déchets, comment le financement privé peut avoir un plus grand impact, en accord avec les attentes des Français ?

De nouveaux produits

De nouveaux acteurs ou façons d’aborder la finance et l’épargne ont émergé ces derniers temps pour répondre aux besoins des consommateurs: transparence et impact positif.

C’est le cas du financement participatif, qui propose aux épargnants de financer des projets clairement identifiés ou, dans le cadre du «crowdequity», de rentrer au capital d’une entreprise. Cela permet aux investisseurs d’avoir une vision claire sur la destination de leur épargne, en étant compatible avec leurs aspirations.

Des plateformes de financement participatif sont généralistes et d’autres se sont spécialisées dans des projets d’énergies renouvelables ou dans le financement de projets ou d’entreprises dans un rayon restreint autour de l’épargnant, répondant ainsi à la demande de circuits courts en finance, en écho aux Amap et autres systèmes de relation directe producteur-consommateur.

Par exemple, l’intermédiaire en financement participatif Lita.co souligne son engagement dans une relation gagnante pour tous en proposant d’investir dans des entreprises durables et contribuer au monde de demain tout en obtenant un avantage financier. La startup sélectionne donc les projets ou les entreprises à soumettre au financement par la foule avec un prisme de développement durable, ce qui fait que l’investisseur voulant donner un sens à ses placements n’a plus qu’à choisir le projet de finance sociale et solidaire à soutenir.

Il peut là retrouver tous les ingrédients faisant le succès des placements populaires. Même plus, l’épargnant connait exactement la finalité de son investissement avec la possibilité d’accompagnement et la facilité pour faire un choix de placement.

À l’opposé des produits financiers classiques du «private equity», inaccessibles au grand public malgré ses efforts, le financement participatif permet une démocratisation de ce type d’investissement. En effet, si le secteur classique cherche à attirer les épargnants particuliers, le ticket d’entrée reste hors de portée de bien des portefeuilles. C’est un peu différent avec le nouveau fond de Bpifrance, qui espère récolter 95 millions d’euros pour le «private equity» avec un ticket à 5.000 euros, un niveau encore élevé mais inférieur aux pratiques habituelles.

Allant plus loin dans une démarche de démocratisation, une initiative de crowdfunding Time for the Planet propose de rentrer à son capital à partir d’un euro en affichant l’objectif de créer des entreprises luttant contre le changement climatique. Si cette opération est non lucrative et se dissocie du concept de rendement financier, d’autres plateformes telles que Wiseed offrent la possibilité de rentrer au capital d’entreprises à impact avec un ticket minimum de 100 euros et des frais limités. La plateforme accompagne aussi l’investisseur néophyte en rendant lisibles les informations nécessaires à la prise de décision (cadre de la levée de fonds, frais, instruments de financement, risques, etc.) au-delà de la mise à disposition d’une fiche d’information.

À travers le financement participatif, l’épargnant va être en mesure de trouver une réponse à sa quête de sens dans ses placements. Une réponse qui sera plus proche de ses aspirations, plus concrète et directe. Le «crowdequity» ou le «crowdfunding» viennent soutenir l’économie réelle, les entreprises en quête de fonds, en phase avec les aspirations des épargnants qui souhaitent donner du sens à leurs placements et avoir un impact positif avec leurs économies.

Enfin, le financement participatif, grâce à son accessibilité, démocratise des produits jusqu’alors réservés à des investisseurs chevronnés possédant des fonds conséquents. Il faut toutefois noter que ces placements d’épargne ne sont pas sans risque et qu’une perte de capital est possible, malgré les efforts des plateformes pour maîtriser le taux de défaut des emprunteurs.

Par Matthieu Neige, consultant chez Square.
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