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Les Echos

– le 04 janvier 2022

Depuis 2017, la Déclaration de Performance Extra-Financière permet d’encadrer le reporting extra-financier. Une avancée majeure de ce reporting verra le jour en 2023 avec la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Pour les entreprises, l’enjeu est de pouvoir évaluer leur performance de manière globale, c’est-à-dire financière et extra-financière. Dans quelle mesure la CSRD leur permettra d’atteindre cet objectif ?
A l’approche de la COP 26, les règlementations sur le reporting extra-financier suscitent un intérêt croissant de la part des entreprises. Depuis 2017, les entreprises françaises ont l’obligation de rendre public le reporting extra-financier sur l’impact qu’ont leurs activités sur leur écosystème. Ce reporting, la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) représentait alors un premier pas vers un changement sur la manière dont on pilote et dont on capture l’information : les facteurs extra-financiers tels que l’empreinte environnementale, la durabilité, l’égalité des chances, l’éthique de la gouvernance doivent désormais être considérés.

Cette réglementation témoigne d’une prise de conscience croissante des conséquences sociales, environnementales et sociétales des activités et du mode de gouvernance des entreprises sur leur capacité à créer de la valeur et à financer leurs opérations. Elle s’inscrit dans le mouvement global de normalisation comptable des éléments extra-financiers. 

La DPEF émane d’une directive européenne de 2014 dont l’objet est d’harmoniser les pratiques et les mesures entre les différents pays européens. Le mouvement se poursuit aujourd’hui avec l’adoption prochaine de la directive sur le reporting de développement durable (CSRD). Cette directive devra être transposée dans le droit national des États membres d’ici le 1er décembre 2022. En France elle viendra se substituer à la DPEF, et s’appliquera à compter de l’exercice fiscal démarrant au 1er janvier 2023. A cette date, les rapports sur la performance extra-financière devront être intégrés dans les rapports de gestion, effectuant ainsi le rapprochement entre données financières et données extra-financières. 

En ce sens, la CSRD représente un grand pas pour renforcer le cadre législatif par rapport à des standards déjà existants (par exemple le GRI, Global Report Initiative), et en s’inspirant des standards de reportings financiers pour valoriser les différents types de capitaux extra-financiers — immatériels, humains, naturels — et aboutir à une standardisation similaire à celle du reporting financier mais pour les éléments extra-financiers. Elle vise à communiquer publiquement l’ensemble des actions déployées par les entreprises pour répondre aux enjeux extra-financiers liés à leurs activités et leur permettre de mesurer leur capital extra-financier. La CSRD apporte de la transparence sur les opérations de l’entreprise, et améliore son image de marque et la confiance de ses parties prenantes envers elle. 

Le mouvement de règlementation extra-financière, s’il est externe à l’entreprise, émane aussi de la volonté de plus en plus marquée des entreprises de déployer une stratégie RSE pour répondre à un besoin externe (par exemple, l’attente des clients bancaires pour investir sur des supports dits responsables) en se dotant d’un outil comptable pour capturer l’information sur les éléments extra-financiers. Il reste à voir de quelle manière elles se l’approprieront et l’utiliseront à des fins de pilotage et de maximisation de performance globale considérant ensemble la performance financière et la performance extra-financière. Le risque étant que les entreprises considèrent la CSRD comme une obligation réglementaire de plus avec laquelle se mettre en conformité, au lieu de l’utiliser pour soutenir leur stratégie RSE en lien avec ses objectifs de résultats financiers. En effet, la CSRD fait écho au besoin marqué des entreprises de pouvoir comprendre plus précisément dans quelle mesure les activités extra-financières contribuent à leur performance globale, et comment ces activités génèrent de la valeur ou, au contraire, la diminuent. Elles sont demandeuses d’un modèle qui permette d’avoir des tableaux de bord qui correspondent à une performance globale.

Pour les entreprises, l’enjeu est de développer un outil qui leur permette d’établir une relation entre leurs résultats financiers et extra-financiers grâce à un unique tableau de bord intégré pour piloter leur performance globale. En l’état, avec deux reportings distincts ayant des normes et un format différents, le pilotage de la performance globale s’avère un exercice délicat car il faut tenir compte des relations de cause à effet entre les indicateurs figurant dans les deux types de reporting et homogénéiser ces indicateurs pour arriver à une mesure unique et fiable. 

Pour ce faire, une forme d’expertise hybride, modélisant la consolidation des méthodologies et des résultats financiers et extra-financiers, est en train d’émerger. Sans cette expertise, le potentiel de la CSRD risque de ne pas être suffisamment exploité alors même qu’elle représente un enrichissement considérable des modèles existants. Plusieurs questions émergent auxquelles devra se confronter cette famille d’experts, à explorer inévitablement pour utiliser la CSRD dans le pilotage et la capture de l’information financière et extra-financière : Comment mesure-t-on des éléments extra-financiers par nature hétérogènes ? Quels sont les indicateurs les plus pertinents ? Sur quelle base les construire en regard des indicateurs financiers ? Dispose-t-on des données et de l’infrastructure IT pour les alimenter ? 

Par Anna Souakri, Chercheure au Square Research Center et Laurent Lanzini, Senior Manager Square.

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