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Le Courrier Financier 

– le 27 octobre 2021

Asset Management – Depuis la conférence annuelle de Jackson Hole qui s’est tenue le 27 août, les discours des banquiers centraux sont ostensiblement rassurants sur le timing et le rythme qui sera donné au resserrement de la politique monétaire. Les craintes exprimées sur les risques de ce phénomène communément appelé le « tapering » masquent en réalité un choc qui peut s’avérer bien plus important encore pour les marchés financiers et l’économie réelle. L’éclairage de Quentin Lajaunie, Chercheur au Square Research Center.
Le terme « tapering » est utilisé pour parler du resserrement de la politique monétaire et donc de la réduction du programme de rachats d’actifs (« quantitative easing », ou QE en anglais) des banquiers centraux. Il désigne de fait la fin progressive d’une politique non conventionnelle mise en place pour répondre à une situation exceptionnelle, politique destinée à relancer la croissance et maintenir l’objectif d’une inflation à 2 %.

Si un resserrement de politique monétaire trop tardif peut porter l’endettement à des niveaux records, les conséquences pourraient être autrement plus dommageables s’il venait à être prématuré : le risque de liquidité pourrait laisser place à un régime de forte volatilité.

Par ailleurs, la vitesse de réduction du QE est aussi fondamentale pour les marchés financiers : un changement trop brusque pourrait être perçu comme un véritable choc. Alors que l’économie est sous perfusion depuis plus d’un an, le ralentissement du programme de rachats d’actifs pourrait accentuer la probabilité de retournement de marché, voir même le déclencher.

Qu’est-ce qu’un choc économique ?

En économie, un choc représente un événement inattendu : une modification brusque des cours du pétrole, ou encore une pandémie. Mais un changement de réglementation, ou une décision des banquiers centraux peut aussi constituer un événement source de surprise qui sera perçu comme un choc par les agents économiques. Etudier les impacts économiques des chocs est primordial pour de nombreux acteurs.

C’est un moyen d’anticiper et de mieux percevoir les risques qui se profilent à l’horizon. Il existe par exemple des modèles statistiques permettant de calculer la probabilité d’occurrence d’une crise financière. Ces modèles statistiques offrent un cadre de travail pour analyser la réponse et la propagation d’événements exogènes.

En s’appuyant sur diverses spécifications économétriques connues sous le nom de système d’alerte avancée (Early Warning System), ces modèles permettent de mesurer la probabilité associée à une crise financière, et d’étudier son évolution face à un choc exogène : nous parlons alors de fonction de réponse.

Anticiper l’annonce du tapering

L’annonce du tapering pourrait de facto être perçue comme un choc, si la date et la vitesse de ralentissement du programme de rachats d’actifs venaient à surprendre les acteurs du marché financier. Et ce choc pourrait faire plonger l’économie dans un nouveau régime baissier. En des termes économétriques, on parlerait de franchissement de seuil.

Ce seuil — déterminé par des méthodes arithmétiques s’appuyant sur les crises passées mal identifiées (erreur de type 1) ou les fausses alertes (erreur de type 2) — peut être utilisé comme un système d’alerte avancée. Dès lors qu’un choc survient, la probabilité d’occurrence évolue à la hausse ou à la baisse.

Dans notre cas, si les marchés semblent avoir anticipé le tapering, l’annonce des banquiers centraux sur la vitesse de ralentissement du QE et la date de ce ralentissement restent des facteurs qui détermineront la taille du choc. Une annonce prématurée, ou un ralentissement trop important du programme de rachats d’actifs pourraient faire augmenter significativement la probabilité d’occurrence de crise financière. Cette augmentation pourrait même laisser entrevoir un risque de retournement de marché si le seuil du système d’alerte avancée était amené à être franchi.

Indices boursiers ultra-sensibles

Cela se traduirait sans doute par une forte correction des marchés financiers. Dans cette situation, la probabilité qu’une crise financière survienne dépend des conditions économiques globales (ou de leur perception), notamment du niveau d’inflation ou des chiffres sur l’emploi. Or, le rapport sur l’emploi publié début septembre aux Etats-Unis annonçait quatre fois moins d’emplois créés qu’attendus.

S’en sont suivies des prévisions macroéconomiques modérées par la Banque Centrale Européenne (BCE), appelant à la prudence. Dans ce contexte, l’attente est privilégiée par les banquiers centraux pour le lancement du tapering. Les acteurs du marché financier en font de même : en témoigne le faible volume d’échanges avant le discours de Jérôme Powell fin août. Il convient de s’assurer que le retour de l’inflation n’est pas que transitoire pour pouvoir réduire le programme de rachats.

Si le QE peut être associé à une volatilité maîtrisée, un ralentissement du programme de rachats se traduira sans doute par un pic de l’incertitude. La montée récente du principal indicateur de volatilité du marché américain, le VIX, semblait confirmer cette tendance, pendant que les principaux indices boursiers s’écartaient peu à peu des records historiques. Et le yoyo continue à quelques heures de la réunion de la politique monétaire de la Réserve Fédérale (Fed).

Maîtriser la réaction des marchés

La « dramatisation » de la communication des banquiers centraux s’inscrit peut-être dans une stratégie qui se veut maîtrisée, afin de prévenir les chocs qui pourraient survenir en cas de surprise. Nous mesurons donc combien l’exercice est délicat, tant la focalisation sur les décisions déclenche déjà des surréactions, dans un contexte incertain, qui fait courir le risque de créer un choc encore plus important que si la médiatisation était moindre.
Par Quentin Lajaunie, Consultant et Chercheur au Square Research Center.

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