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Economie Matin

– le 05 janvier 2021

Quand on partait de bon matin, quand on partait sur les chemins… à bicyclette ! Ah notre chère bicyclette, notre joli vélo chanté par Yves Montand. Véritable madeleine de Proust, cet objet constitue pourtant aujourd’hui un réel enjeu socio-économique et environnemental.
Historiquement, c’est La Poste qui ouvre la voie de la livraison à vélo. Pratique et économique, il permet d’assurer la distribution du courrier et des petits colis d’une agglomération, sur de courtes distances. Aujourd’hui, ce mode de distribution est toujours utilisé par La Poste. L’institution compte d’ailleurs le plus grand parc de vélos dans l’Hexagone avec près de 19 000 unités à son actif.

La livraison à vélo n’est pas un phénomène novateur. Il s’agit d’un mode de transport bien connu sur les 5 continents. En Europe, les fervents défenseurs de notre bicycle sont les pays du Nord. Outre-Atlantique, la Grosse Pomme a depuis les années 80 utilisé le vélo pour les livraisons. Et en Asie, on ne comptera plus les véhicules pousse-pousse.

Ce qui est novateur en revanche, c’est le vernis « écolo » dont se dote les marques qui en font usage. Les enseignes se mettent au vert. C’est un argument marketing qui se double souvent d’une stratégie d’optimisation des coûts et du temps. Deliveroo, UberEats les matelas Simba, Tediber, … la liste pourrait être bien plus longue, ils ont tous en commun d’avoir adopté le vélo. Le directeur des opérations chez DHL Express « voit cette activité exploser dans le futur » et se fixe comme objectif de passer à « 70% de ses activités premier et dernier kilomètre avec des solutions propres d’ici à 2025 en France ».

Lorsqu’il y a une forte demande, l’offre ne se fait pas attendre. Des enseignes proposent des services de « cyclo-logistique », qui comprennent le stockage des produits et leurs livraisons à vélo. Parmi ces nouvelles entreprises, nous pouvons citer comme exemple la coopérative Olvo et la société Lungta, qui offrent une large gamme de service pour Paris et l’Ile-de-France.

Une relation win-win s’opère, entre d’une part, le coursier protégé par la coopérative, contrairement à l’auto-entreprenariat, et d’autre part les fournisseurs soucieux de leur engagement éthique, qui voient dans la livraison à vélo un moyen de redorer leur blason.

Depuis le début du confinement, le e‑commerce et les livraisons font bonne figure avec une hausse des ventes de près de 400% par rapport aux magasins retail. L’explosion des commandes en ligne conjuguée à la nécessité d’adopter une politique verte conduit tout naturellement à l’augmentation des livraisons en bicycle.

Cette tendance en BtoB comme en BtoC est renforcée par l’apparition des vélos électriques et des vélos cargos. Les premiers offrent de nouvelles perspectives quant au périmètre à couvrir et augmentent la productivité. Quant aux seconds, pouvant transporter une charge approchant les 500kg, ils viennent repousser les limites liées aux poids des colis.

Depuis la Covid-19, les acteurs de la grande distribution ont également adopté ce mode de livraison. En collaboration avec les géants de la FoodTech, Deliveroo et UberEats, Monoprix, Carrefour, Casino et le précurseur Franprix, proposent différents paniers de victuailles à livrer à domicile.

Après avoir séduit la livraison, le vélo connait un véritable essor chez les salariés et s’impose comme véhicule de fonction. Celui-ci a pour avantage d’être une alternative aux transports en communs et d’être écologique. L’entreprise l’attribue à chacun de ses salariés, ce qui lui donne un caractère personnel. A ce titre, la startup Zenride offre un service de vélos électriques de fonction en proposant une flotte pour les entreprises ; son cofondateur Antoine REPUSSART confirme avoir « multiplié par cinq environ les demandes entrantes soit environ 60 à 80 demandes par semaine ».

La Covid-19 n’a pas eu pour seul effet d’augmenter les livraisons à vélo, elle a également modifié l’architecture urbaine pour favoriser ce mode de transport. Favorisant la distanciation sociale, c’est une alternative indéniable aux transports en commun et au retour à la voiture individuelle. C’est pourquoi, il n’est pas surprenant de noter une hausse de 117% des ventes de bicycles sur la période de mai/juin 2020. A titre indicatif, les ventes de vélo ont connu une augmentation de 10% sur l’ensemble de l’année 2019. Les politiques publiques l’ont bien compris et n’ont pas hésité à encourager ce mouvement par la mise en place de « coronapistes ». Ce nouveau dispositif vient renforcer le plan vélo national annoncé en 2018. Ces pistes cyclables temporaires qui arpentent le pays sur plus de 1000 km, dont la fameuse Rue Rivoli au cœur de Paris, apportent de nouvelles perspectives au vélo : l’occupation de l’espace urbain. La bicyclette jusqu’alors réduite à un objet de loisir, vient s’imposer en ville au désespoir de nombreux automobilistes.

La France, en retard par rapport à ses voisins du Nord, amorce un rattrapage éclair de l’adaptation des modes de transports et de consommations en faveur du vélo. Il reste cependant de nombreux points d’interrogations. L’Hiver approchant, cela ne va-t-il pas décourager même les plus téméraires ? Face à la recrudescence des accidents de cyclistes, ne devrions-nous pas imposer le port du casque au plus de 12 ans ?

In fine, le drone ne constituera peut-être pas l’avenir de la livraison. C’est finalement dans un objet bien plus commun et accessible que le transport devra être appréhendé.

Alors que les années 1900 ont vu la popularité de l’automobile l’emportée, le 21e siècle serait-il celui de la bicyclette ?

De Yakout Yamani et Anaïs Vanel, consultantes chez Square.
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