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Revue Banque

– le 02 septembre 2022
La Commission européenne veut rendre obligatoire la préparation de plans prudentiels pour faire face aux impacts du changement climatique.

Dans le cadre de ses activités de supervision, la BCE a identifié dans la cartographie des risques que les risques climatiques constituaient un facteur de risque émergent pour les institutions financières. Dès lors, elle invite les institutions à adopter une approche stratégique, holistique et surtout prospective en matière de gestion de risques liés au climat et à l’environnement. C’est dans ce contexte que le 27 Octobre 2021, la Commission Européenne a publié son projet de règlement CRR3 (1) et de directive CRD6 (2), qui entreront en vigueur en 2025.

Renforcer la résilience bancaire face aux risques ESG

Historiquement, la crise financière des subprimes a été l’occasion pour l’Union Européenne de mettre en place des réformes structurantes. A cet effet, la réglementation Bâle III s’est construite en réaction à cette crise dans le but d’améliorer la résilience du secteur financier lors de chocs économiques. Ces normes reposent sur trois piliers et ont été intégrées dans la législation via un « paquet bancaire » : la directive CRD4 et le règlement CRR. Grâce à ces évolutions et des fondements plus solides qu’au début de la crise de 2007- 2009, le secteur bancaire a su faire face à la crise sanitaire du COVID 19.

Or, face à l’urgence climatique et au manque de préparation des établissements sur ces questions, tout porte à croire qu’une nouvelle onde de choc se prépare pour les institutions bancaires si les risques ESG ne sont pas pris en compte dès à présent. Les récents exercices de stress test ont permis à la BCE de chiffrer à 70 milliards d’euros le risque imputable aux conséquences de changement climatique et d’une politique de transition vers une économie bas carbone (3). C’est dans ce sens que le package CRR3/CRD6 propose d’aller plus loin qu’une quantification du risque (rendue possible via les stress test climatique) en adoptant une approche réglementaire plus globale.

Un impact sur les trois piliers

La réglementation bâloise est organisée en trois piliers : le premier exige un niveau de fond propre minimal à respecter, le second renforce les procédures de surveillance prudentielle et le troisième instaure des règles de transparence. C’est dans ce cadre réglementaire que le package CRR3/CRD6 décline l’intégration du risque climatique.

En effet, au titre du premier pilier, le package prévoit notamment que l’EBA (4) propose des méthodes d’évaluation du risque d’expositions aux facteurs environnementaux et leurs effets éventuels à court, moyen et long terme.
Concernant le pilier 2, ce package fait état d’une revue substantielle avec l’intégration des risques ESG dans le processus de contrôle et d’évaluation prudentiels (SREP). Il est également attendu que les établissements de crédit réalisent des stress test “ESG”, de manière régulière, que ce soit sous la coupe des superviseurs ou des banques elles-mêmes. À cet effet, l’EBA notamment est mandatée pour rédiger des orientations sur les méthodologies de ces stress-tests. Enfin, les risques ESG sont explicitement inclus dans l’ICAAP par exemple, et dans le dispositif général de gouvernance interne, en précisant qu’ils doivent être évalués à court, moyen et long terme (5).
Enfin, dans le cadre du pilier 3, ce dispositif réglementaire propose une extension du champ d’application. La transparence dans la communication imposée par ce pilier implique que les établissements quantifient leurs expositions face aux risques physiques et de transitions. Et sur ce sujet, même si les méthodologies sont en cours de développement, les premières publications sont attendues en 2023…

Quelles implications pour les institutions bancaires ?

Si par le passé les établissements bancaires ont déjà été invités à réfléchir à l’impact du changement climatique sur leur portefeuille, ces propositions comprennent désormais de nouvelles obligations pour les banques, qui doivent préparer des plans prudentiels pour faire face à ces risques.

A cet effet, le benchmark européen sert de référence afin de s’assurer de l’alignement des établissements avec les objectifs de transition. De plus, ce package réglementaire oblige désormais les banques à communiquer sur les actions d’atténuation (du changement climatique) mises en place pour les clients.
Concrètement, une banque qui finance des entreprises ne respectant pas une trajectoire bas carbone sera confrontée à des risques de transition importants. La CRD6 oblige cette banque à élaborer un plan pour mesurer et traiter cette augmentation du risque, en soutenant la transition et l’adaptation des clients.

Enfin, et même si à date, aucune augmentation en capital n’est encore exigée pour couvrir ces risques, ce type de refonte réglementaire permet aux superviseurs d’inciter les banques à prendre en compte ces risques dans le calcul de leurs fonds propres, notamment si des lacunes sont constatées. C’est notamment ce qui a été constaté par la BCE dans le cadre du processus d’octroi de crédit par exemple, qui n’intègre pas le risque climatique (6) …

Face à l’urgence climatique et aux différentes critiques concernant le manque de préparation du secteur pour faire face aux risques ESG, la Commission Européenne adopte désormais une démarche anticipative et incitative via ce nouveau dispositif réglementaire. Ainsi, même si les méthodologies ne sont pas encore figées et que les fonds propres ne sont pas encore impactés par ces nouveaux risques, les banques sont invitées à s’emparer et s’approprier le sujet dès à présent sous peine de quoi, leur résilience sera mise à rude épreuve.

Sources

(1) Capital Requirements Regulation.

(2) Capital Requirements Directive.

(3) https://www.challenges.fr/finance-et-marche/banques-les-stress-tests-climat-de-la-bce-evaluent-le-risque-a-70-milliards-d-euros_820462

(4) L’EBA, l’Autorité Bancaire Européenne, met en place le cadre réglementaire et de surveillance unique pour l’ensemble des institutions bancaires de l’Union Européenne.

(5) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN-FR/TXT/?from=EN&uri=CELEX%3A52021PC0663

(6) https://www.challenges.fr/finance-et-marche/banques-les-stress-tests-climat-de-la-bce-evaluent-le-risque-a-70-milliards-d-euros_820462

Par Sarah Daymier, Project Manager Square Management.
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