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Les Echos

– le 19 septembre 2022

Le changement de méthode de validation des transactions d’Ethereum, deuxième capitalisation crypto derrière le Bitcoin, constitue une véritable révolution, notamment en ce qui concerne la cybersécurité et la consommation d’énergie. 
Beaucoup comparent la technicité de cet exploit à changer le moteur d’un avion en plein vol. Une petite révolution au sein de l’écosystème crypto est en train d’émerger en cette rentrée et elle s’appelle ‘The Merge’ . L’Ethereum, deuxième capitalisation crypto derrière le Bitcoin , va ainsi modifier sa méthode de validation des transactions passant de la Preuve de travail (Proof of Work) à la Preuve d’enjeu (Proof of Stake).
Ce changement qui peut initialement passer pour un simple détail technique relève pourtant d’une véritable mutation de cette blockchain créée en 2015 par le russo canadien Vitalik Buterin. A quoi correspond cette nouvelle méthode et quels sont ses enjeux et avantages ? 

Pas d’arrêt pendant les opérations 

Dès décembre 2020, une version Proof of Stake de la blockchain Ethereum (Beacon Chain) avait été lancée en parallèle de celle existante en Proof of Work. Depuis 2015, la blockchain Ethereum validait les transactions via la mise en concurrence de mineurs qui devaient résoudre des calculs mathématiques afin de valider un bloc et ainsi obtenir une récompense versée en éthers (ETH). Cette méthode appelée ‘Preuve de travail’ est également connue pour être utilisée par le protocole Bitcoin. 

Le nouveau système par preuve d’enjeu met fin à la compétition entre les mineurs et plus spécifiquement de leurs ASICS, ces machines dédiées au minage. A la place, les nouveaux validateurs devront déposer au minimum 32 éthers et accepter de les verrouiller pour contribuer à la sécurisation du réseau Ethereum. 

La difficulté de cette migration réside dans le fait que la blockchain Ethereum ne sera pas arrêtée durant les opérations. La fusion des 2 blockchains (l’actuelle en PoW et la nouvelle en PoS) a déjà eu lieu sur les différents environnements de tests et il ne reste plus que la chaîne principale. Une fois la fusion réalisée, la blockchain à preuve d’enjeu prendra le relais et un nouveau bloc sera miné toutes les 12 secondes environ. 

La consommation électrique des Pays-Bas 

Le premier atout de cette innovation est de réduire considérablement la consommation électrique requise pour sécuriser le réseau. Ainsi, le nouvel Ethereum 2.0 verra ses coûts en énergie réduits de 99.95 %. Depuis 2015, l’empreinte carbone du réseau était évaluée entre 94 et 112 TWh par an, ce qui représente par exemple la consommation électrique
des Pays-Bas. Cette réduction drastique des coûts électriques permettra en outre une mise en conformité vis-à-vis des normes ESG, ce qui pourrait avoir pour effet d’intéresser de nouveaux institutionnels d’investir dans cette blockchain aux très nombreux cas d’usages. 

Pour rappel, l’infrastructure de la blockchain Ethereum permet actuellement le développement d’une multitude de projets se déployant comme des surcouches sur le réseau Ethereum pré-existant. 

L’autre avantage réside dans l’amélioration de la sécurisation du réseau. Le nouveau système rendra le protocole moins dépendant de la puissance de calcul des machines de minage grâce aux nouveaux validateurs, ce qui accentuera la décentralisation globale du réseau. Cela pourrait s’avérer dissuasif pour de potentiels hackeurs car les attaques seront beaucoup plus coûteuses avec le système à preuve d’enjeu. 

192 milliards de dollars 

Le réseau Ethereum attise les convoitises étant donné les 192 milliards de dollars capitalisés à l’heure de rédaction de ces lignes. Cela reviendrait à ce que les deux versions Ethereum reposant sur les deux systèmes différents de validation continuent à coexister en parallèle. Cette situation s’est déjà produite en juillet 2016 avec la création d’un hardfork appelé Ethereum Classic (ETC). Cette autre version d’Ethereum est fonctionnellement semblable mais son plafonnement et son rythme d’émission sont différents. 

En pratique, il est fortement improbable qu’il y ait un hardfork officiel car l’opération The Merge a été validée par la Fondation Ethereum, Vitalik Buterin ainsi qu’une très large majorité de la communauté. Toutefois, certains mineurs (dont les chinois Chandler Guo et Justin Sun) dépossédés de ce statut après la migration évoquent leur souhait de conserver la version ETHW du réseau. 

Améliorations techniques

L’émergence d’Ethereum 2.0 fondé sur la preuve d’enjeu ouvre également la voie au développement d’autres fonctionnalités importantes sur le réseau. Ainsi, de futures 

améliorations techniques telles que le sharding sont prévues dans les années à venir. Ce dernier consiste à morceler une blockchain en plusieurs sous-réseaux.
Ce découpage simplifie les calculs informatiques avec pour résultat des gains importants en termes de vitesse, de sécurité et de frais de transaction. La fondation Ethereum a évoqué sa volonté de travailler sur une baisse globale des frais de transactions, ce qui sera un facteur déterminant dans le passage à l’échelle (scalabilité) des usages de cette blockchain. 

Par Théophile Vuillier, Consultant Senior Square Management.

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