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Agefi Actifs

– le 22 novembre 2020 

« (…) Les taux bas sont nécessaires, et vont durer (…), nous devrons ensemble nous y adapter », ainsi clôturait François Vilheroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France lors de son discours à la FFA du 25 octobre dernier à l’occasion de la 11e conférence internationale de l’assurance. Il affirmait ensuite « La nouveauté n’est donc pas les taux bas, ni même les taux négatifs : elle est que ces taux bas doivent durer, compte tenu du refroidissement économique mondial ».

Ce contexte a des conséquences notables sur le marché de l’assurance, et notamment les branches longues telles que l’épargne-retraite. La gestion de ces branches dans un contexte de taux bas soumet les distributeurs d’assurance à de nouveaux enjeux : opérer un partage de risque progressif entre assureurs et épargnants, tout en proposant des perspectives d’investissements préservant l’attractivité du marché de l’épargne.

La dépendance au fond euro : les raisons de la crise ! 

Dans un contexte de taux durablement bas, la réduction de la part de risque supportée par les assureurs est la première nécessité. Cela s’explique notamment par l’impact des taux bas sur les finances des assureurs. En effet, les fonds propres des organismes d’assurance sont soumis à une pression accrue du fait de leur dépendance aux obligations souveraines.

En France, les encours d’assurance-vie sont investis à plus des deux tiers sur les obligations souveraines (1400 Mds sur près de 1800 Mds), via le fonds euros. Or, avec la baisse progressive des taux de rendement des emprunts d’Etat, le rendement des fonds euros a subi une régression progressive.

Dans ce contexte de rendement négatif, les investissements dans les obligations souveraines se font à perte, et les assureurs sont contraint de solliciter leurs fonds propres afin de maintenir le rendement du support euros à flot et préserver la garantie de capital des assurés, ce qui a un coup sur leur ratio de solvabilité

La pression exercée par les taux bas est telle que de nombreuses mesures exceptionnelles ont dû être prises afin de préserver la solvabilité des organismes d’assurance. Parmi ces mesures, on retrouve notamment le décret ministériel pris fin 2019 ayant autorisé l’intégration de 70% du montant de la PPB[1] dans le calcul du ratio de solvabilité, ou encore la vague de recapitalisation de certains organismes d’assurance à laquelle nous avons assisté. Néanmoins, ces mesures d’urgence n’ont pas empêché la baisse du ratio de solvabilité moyen des acteurs.

Vers la sanctuarisation du fonds euro ! 

Augmentation des frais de gestion, placement obligatoire d’une partie du capital en unités de compte, les distributeurs d’assurance érigent de véritables barrières à l’entrée des fonds euros, afin de continuer de dissuader les épargnants souhaitant encore y ranger leur épargne.

Cette sanctuarisation parait légitime dans la mesure où l’ouverture massive à de nouvelles souscriptions aurait pour effet de créer un déséquilibre en portant atteinte à la promesse faite aux épargnants déjà présent en portefeuille.

Chez certains distributeurs, cela se traduit par l’obligation de souscrire à un certain pourcentage d’unités de comptes au-delà d’un certain montant placé.

Chez d’autres acteurs, le rendement plancher du fonds euro est évolutif et corrélé à l’intégration d’un certain pourcentage d’unités dans le contrat. Chez GENERALI ou SwissLife par exemple, le rendement plancher du fonds euro est à 1%, et peut plus que doubler en cas d’intégration d’une part d’unités de comptes.

La marche forcée vers les UC ?

Pour autant, les taux-bas ne marquent pas la fin définitive des fonds euros. Désormais, ils jouent un rôle d’amortisseur sur le capital garanti, mais, ne peuvent plus être la solution pérenne pour les épargnants souhaitant une protection à moyen-long terme.

Dans un environnement de risque accru, la dose de risque appliquée à chaque contrat doit être modulée en fonction du profil de chaque épargnant ; appétence au risque, capacités financières, horizon de placement, la personnalisation de la relation doit devenir la pierre angulaire de la relation épargnant-conseiller, afin de permettre une transition fluide du monde moribond des produits sans risque vers les produits à risque modulé.

Pour avoir une compréhension claire des enjeux, l’aspect pédagogique de la relation épargnant-conseiller doit prendre un rôle prépondérant. Le conseiller doit rendre intelligible pour l’épargnant les impératifs et les possibilités de placement offertes par le contexte de taux bas.

Le contexte actuel de crise économique rampante peut être l’occasion de rendre les unités de compte plus attractives, en cumulant profitabilité économique et impact social. Les distributeurs d’assurance peuvent, dans un environnement de tarification transparent et lisible, proposer des solutions d’investissement dans l’économie réelle (actifs cotés ou non, obligations d’entreprises), en finançant les entreprises de proximité, du quotidien, et, dans une démarche de transition écologique, proposer des fonds socialement responsables et verts.

Par Appolinaire Tena, consultant chez Square.
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