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Finyear

– le 21 décembre 2021

La transformation digitale du contrôle de gestion doit lui permettre de renforcer son rôle de conseiller. Mais pour y parvenir, la fonction devra s’affirmer comme un expert data incontournable.

A la recherche d’un “business partner”

Depuis plus de quarante ans, la nécessité de passer d’une organisation endogène priorisant ses contraintes internes, à une organisation exogène favorisant la souplesse et la collaboration transverse (Dupuy, 1998); pousse l’ensemble des fonctions support à se réorienter vers des rôles de partenaires de proximité. Reconnaissons-le, sans grand succès.

Le contrôleur de gestion n’y fait pas exception. Le souhait d’en faire un “business partner” apparaît dès les années 1960. A partir des années 1990 vient l’idée que son avènement serait permis par l’évolution des systèmes d’information. (Kaplan, 1995), (Sponem, et al., 2009).

Aujourd’hui, 77% des grandes entreprises françaises sont équipées d’un ERP. Malgré cela, elles sont encore 70% à continuer d’investir dans le digital . Ceci laisse à penser que la transition ne serait toujours pas faite. Les dernières enquêtes d’intention auprès des directeurs financiers le confirment. Ceux-ci réaffirment une volonté toujours aussi forte d’investir dans le digital afin de décharger les contrôleurs des travaux classiques de production de données, pour les réorienter vers des missions de conseil en pilotage de la performance auprès des managers.

Système d’information : Entre levier et contrainte

Pour expliquer ces difficultés, rappelons que le contrôle de gestion est une courroie entre la direction et les services opérationnels (Lambert, 2009). Un tiraillement inévitable qui l’aspire d’un côté ou de l’autre. Et c’est précisément au moment où les opérations s’imposaient comme la priorité, que le métier a subi des forces qui l’ont endigué dans son rôle premier de producteur de données.

Si l’intensification concurrentielle des dernières décennies a imposé le besoin d’avoir des organisations plus transversales, l’augmentation des risques qui l’accompagne a réaffirmé le pilotage financier vertical comme norme indiscutable (Charreaux, et al., 2006). De fait, plutôt que d’une forme radicalement horizontale, les organisations ont opté pour une hybridation matricielle. sorte de diplopie managériale (Ford, et al., 1992) qui entraine une inflation du besoin de reporting.

Les ERP étaient sur le papier censés permettre d’absorber cette surcharge. Mais leur efficacité ne fut pas si automatique. En verrouillant les processus et en silotant les fonctions, ils ossifient l’organisation plutôt que de l’assouplir (Reix, 1999). Par leur architecture, ils maintiennent une vision fonctionnelle de celle-ci, ce qui pérennise l’approche verticale du contrôle (Meyssonnier, et al., 2006), (de Rongé, 2000). Quant à l’axe analytique porté sur les processus qui aurait dû permettre le développement parallèle d’un pilotage transverse, les données qu’ils offrent sont souvent peu qualitatives (Pérotin, 2002), (Hyvönen, 2003).

Les ERP ont pu changer la manière de travailler des contrôleurs, mais leur impact réel sur un quelconque gain de charge reste difficile à mesurer. Ils ne les ont pas libérés de la production de données mais se sont plutôt imposés comme une nouvelle source imparfaite et rigide qui nécessite autant de vérifications que de retraitements qu’avant.

La data science n’est plus une option

Autour de ces systèmes se sont développés depuis des environnements digitaux étendus. Or, le manque de connexion entre les outils accentue encore plus la charge de traitement pour les contrôleurs.
Voici pourquoi aujourd’hui l’interopérabilité et l’automatisation du traitement sont les deux enjeux majeurs des transformations digitales . Ils permettront d’alléger la charge de production des contrôleurs pour les tourner vers de l’accompagnement.

Cependant, le bilan de l’implantation des ERP montre combien les contrôleurs ont besoin d’avoir un certain degré de maitrise des outils qu’ils exploitent. La question n’est donc pas de les éloigner de la production de données mais bien de leur donner les leviers pertinents pour les rendre plus efficaces.

Dans ces nouveaux environnements digitaux, les contrôleurs doivent donc s’imposer comme des sachants actifs et légitimes plutôt que comme des utilisateurs en attente de solution. Pour y parvenir, les directions de contrôle de gestion n’auront d’autre choix que de s’organiser autour de deux pôles de compétences complémentaires (Berland, et al., 2020) :
• Un pôle de “data savvy” ou “data sterwardship” pour garantir la cohérence et la fluidité des données afin d’accélérer le traitement et les analyses. Il s’agit ici de rendre plus autonomes les directions financières en data science et en RPA.
• Un pôle d’expert dans l’interprétation des données. Ayant des connaissances poussées en “data analysis” et dans les modèles d’affaires en présence, il valorisera les données auprès des décideurs.

Par Frantz Frebault, consultant chez Square.

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