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ID : l’Info Durable

– le 26 février 2021

Alors qu’a été validé les 10 et 11 décembre derniers le nouvel objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, un des outils à la disposition du conseil européen pour atteindre cette diminution est le prix du carbone. 
L’objectif principal des Accords de Paris, de maintenir l’augmentation de la température à un niveau inférieur à 2 degrés Celsius, peut s’appuyer sur un levier déterminant dans le prix du carbone. En effet, son prix sera un facteur décisif pour une utilisation de l’hydrogène vert à plus grande échelle d’ici à 2050.

En Europe, le prix du carbone dépend de sa valeur sur l’EU-ETS, le marché des gaz à effet de serre où les entreprises peuvent vendre et acheter des quotas d’émissions. Ce prix correspond au montant auquel s’échangent les tonnes de quotas d’émission de CO2. Il est aujourd’hui aux alentours des 25€/tonne, un niveau jugé insuffisant pour pouvoir répondre aux exigences des Accords de Paris.

Pour comprendre l’impact du prix du carbone sur l’utilisation de l’hydrogène vert, il faut d’abord comprendre la différence de production des hydrogènes vert et gris. Ils sont utilisés habituellement comme matières premières pour des usages industriels mais pourraient jouer un rôle majeur en tant que source d’énergie pour le transport et la production de chaleur dans les années à venir. La production d’hydrogène gris est génératrice de CO2 car elle utilise des énergies non renouvelables. A contrario, l’hydrogène vert n’émet pas de CO2 grâce à l’utilisation d’éoliennes, de panneaux photovoltaïques ou encore d’électricité renouvelable dans son cycle de production.

Pourquoi le prix du carbone est essentiel et comment amener les entreprises à investir dans l’énergie verte ?

Dans l’objectif de réduire l’impact du réchauffement climatique, une des solutions est de développer l’utilisation de l’hydrogène vert dans le secteur industriel comme matière première puis comme source d’énergie. Cependant, le souci majeur de l’hydrogène vert est son coût de production important. Il est supérieur à celui de l’hydrogène gris et encore bien plus élevé que le coût des sources d’énergies comme le gaz. Ces contraintes le rendent peu attractif pour les industriels. Même si son coût de production ne cesse de diminuer, cela ne suffira pas à le rendre compétitif. Un des leviers d’actions à cette problématique pourrait être le prix du carbone. L’hydrogène vert n’émettant pas de CO2, sa production ne requiert aucune utilisation de quotas de CO2 contrairement à l’hydrogène gris.
Une hausse de prix du carbone augmenterait le coût de production de l’hydrogène gris pour qu’il atteigne le même niveau que celui du vert. Ainsi, ce dernier, grâce à cette hausse du prix du carbone et à la baisse de ses coûts de production, serait compétitif avec l’hydrogène gris en tant que matière première. De plus, l’utilisation de l’hydrogène vert à la place du gris permettrait une baisse de 6 % des émissions totales de CO2 en Union Européenne.

Une fois ce stade atteint, l’hydrogène vert devra ensuite être compétitif face aux sources d’énergie utilisées pour le transport ou le chauffage. De la même manière, ces énergies sont émettrices de CO2, ainsi un prix du carbone à un niveau rendant l’hydrogène vert compétitif face à ces sources d’énergie, permettrait de réduire considérablement l’émission de gaz à effet de serre.

Les leviers d’ajustements du prix du carbone

Pour amener le prix du carbone sur l’EU-ETS au niveau souhaité, le marché doit croire en la volonté de la Commission Européenne de tout mettre en œuvre pour respecter les Accords de Paris. Pour cela, elle a déjà accéléré la baisse annuelle des quotas d’émissions de CO2, passant de 1,74 % à 2,2 %, à compter de 2021. Dans la même optique, elle a validé mi-décembre 2020 son plan visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030. L’inclusion de nouveaux secteurs sur l’EU-ETS comme le transport maritime, renforce la croyance des acteurs du marché en la politique de la Commission Européenne concernant la neutralité carbone de l’Europe d’ici 2050. Une des pistes évoquées serait les « carbon contracts for difference » (CCfD) dans lesquels une contrepartie publique rémunèrerait un investisseur en lui payant la différence entre le « prix juste » du carbone et sa valeur sur le marché. De plus, la création envisagée d’un « carbon border adjustment mechanism », consistant à mettre un prix du carbone sur les importations de certains biens en provenance de l’extérieur de l’UE, pousserait les partenaires de l’UE à relever leurs ambitions climatiques et à réduire le risque de « fuite du carbone ».

L’enjeu le plus complexe reste de définir le prix du carbone. A ce jour, la Banque Mondiale estime qu’il devrait se trouver entre 40 et 80€/t tandis que le récent rapport sur la décarbonisation de M. Lewis, responsable de la recherche sur le changement climatique chez BNPP AM, propose un prix de 49€/t. Cependant, un prix « juste » pour l’Europe ne l’est pas forcément pour d’autres pays, comme l’Inde dont l’économie dépend fortement du prix du carbone. Le coût de production de l’hydrogène vert doit aussi continuer de diminuer, sa baisse d’environ 60 % sur les dix dernières années ne garantit pas une baisse aussi importante dans le futur. C’est pourtant l’un des enjeux majeurs pour la décarbonisation.

Les pistes pour atteindre les objectifs des Accords de Paris en s’appuyant sur le prix du carbone sont nombreuses mais les défis pour y arriver le sont tout autant. Si l’Europe peut utiliser le prix du carbone comme un levier majeur pour la réduction des émissions de CO2, ce n’est pas le cas pour tous les pays qui devront s’appuyer sur d’autres leviers sous peine d’endommager fortement leur économie. L’entente devra être mondiale, c’est pourquoi à la suite de l’élection de Joe Biden, il n’est pas déraisonné de se demander si sa politique soutenant la réintégration des USA aux Accords de Paris agira en faveur de cette économie verte.

Par Isac Ecolasse, consultant chez Square.
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