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Le Courrier Financier

– le 15 février 2021 

Avec le projet Eurosystem Collateral Management System (ECMS), l’Union européenne (UE) renforce son unification monétaire et bancaire. Quels sont les enjeux du déploiement de la nouvelle plateforme ? Les explications de Laurent Lanzini et Martin Pirez, respectivement Senior Manager et consultant Senior chez Square.
Le projet Eurosystem Collateral Management System (ECMS) concerne 19 banques centrales nationales et environ 1 800 contreparties. Dans ce contexte d’harmonisation européenne, les établissements bancaires doivent faire évoluer leurs systèmes d’information pour être en phase avec ce déploiement paneuropéen.

La particularité de ce projet est que la Banque centrale européenne (BCE), en plus d’être prescripteur, en est également partie prenante. Comment intégrer ce double positionnement au sein du projet mené au niveau de chaque établissement bancaire ?

Qu’est-ce que le projet ECMS ?

Le projet ECMS correspond à la mise en place d’une plateforme commune qui remplacera les 19 systèmes domestiques de gestion du collatéral actuellement utilisés par les banques centrales nationales de l’Eurosystème dans le cadre des processus de refinancement.

En complément de TARGET 2 (T2 – système de paiement en temps réel), TARGET 2 Securities (T2S – plateforme technique des dépositaires centraux de titres de règlement-livraison), et TIPS (règlement brut des virements instantanés), ECMS fera partie des différents services TARGET — accessibles par une passerelle commune d’authentification et d’autorisation des utilisateurs dûment accrédités (Eurosystem Single Market Infrastructure Gateway).

En amont du projet ECMS est également mené par la BCE un projet de consolidation technique des plateformes T2 et T2S prévu pour novembre 2022, qui correspond également à la date de migration des messages de paiement par SWIFT à la norme ISO 20022.

ECMS s’inscrit par ailleurs dans le projet SCoRE (Single Collateral Management Rulebook for Europe), mené par le groupe consultatif de l’Eurosystème sur les infrastructures de marché pour les titres et les garanties (AMI-SeCo). Ce groupe travaille à l’élaboration d’un manuel unique de gestion des garanties pour l’Europe, qui définit des règles communes pour la gestion des garanties.

Quel est le calendrier de déploiement d’ECMS ?

Le projet ECMS sera déployé en trois phases :

  • une première phase, de janvier 2018 à septembre 2021, correspondant au développement de l’application ECMS par la Banco d’España et par la Banque de France ;
  • une deuxième phase, d’octobre 2021 à novembre 2023, visant à la réalisation de tests d’acceptance par la BCE d’abord, puis des tests utilisateurs entre les banques centrales nationales et les établissements bancaires (contreparties ECMS) ;
  • une troisième phase, en novembre 2023, correspondant à la migration simultanée de tous les acteurs et au démarrage du système.

Quels sont les enjeux de déploiement ?

Pour optimiser le déploiement au sein des établissements bancaires et être prêts pour le déploiement en mode « big bang » en novembre 2023, un pilotage du projet en trois phases est à envisager. Ainsi, les outils classiques de pilotage de projet, de coordination entre projets au sein de programmes sont-ils à mettre en place. La particularité du projet ECMS est que la BCE y tient un rôle de partie prenante.

En plus de fixer une date d’échéance comme pour un projet réglementaire, la BCE dirige en parallèle le projet de développement de l’applicatif cible. Dans ce contexte, en termes de coordination, il s’agit de suivre les évolutions techniques et calendaires du projet ECMS à un niveau macro (au niveau européen), pour intégrer ces éléments aux différents chantiers à un niveau micro (établissement bancaire).

Ainsi, le suivi de l’avancement du projet mené par la BCE pour mise en phase avec celui au sein de l’établissement bancaire est un élément clé. Il s’agit d’établir les différentes instances de validation et de coordination aussi bien avec les interlocuteurs supranationaux, nationaux ou au sein de l’établissement bancaire et d’évaluer les impacts des décisions et arbitrages pris par la BCE sur l’avancement du projet au sein de celui-ci afin de pouvoir les répercuter avec agilité.

Pour illustrer ce propos, le 23 octobre 2020, la banque centrale européenne annonçait sur son site le report d’une année du projet ECMS — de novembre 2022 à novembre 2023. Cette annonce s’est effectuée à une date à laquelle les établissements bancaires étaient à un stade avancé de leur cadrage, en ligne avec les préconisations de la BCE. Cette annonce a donc demandé la revue de certains éléments du projet — budget et planning entre autres.

S’intéresser au projet de migration sur la plateforme ECMS

Concernant le pilotage du projet ECMS, celui-ci peut être découpé en trois phases, correspondant à des travaux parallélisés entre les banques centrales et les autres acteurs de la place financière :

  • la première phase correspond pour les banques centrales au développement de l’application ECMS, tandis que les banques devront effectuer leur étude d’impact, la définition de la gouvernance ainsi que la définition des évolutions nécessaires de leurs processus et de leurs systèmes ;
  • durant la deuxième phase, la banque centrale européenne mènera les tests d’acceptation de la plateforme, les banques quant à elles effectueront les développements nécessaires de leurs systèmes ;
  • la dernière phase, menée conjointement entre la banque centrale et les autres acteurs de la place, avec des tests utilisateurs prévus sur l’année 2023, qui auront lieu préalablement au déploiement de la plateforme en novembre 2023 en mode « big bang » ; il s’agira alors de mener les ajustements nécessaires pour assurer la continuité des activités de refinancement.

Au niveau des opérations traitées, les travaux les plus significatifs pour les différents acteurs portent sur la remise en collatéral de créances privées :

  • une importante transition vers le protocole SWIFT sera à effectuer pour gérer les échanges entre les contreparties et les banques centrales. Le canal des titres cotés passe déjà par le réseau SWIFT (ISO 15022), ce qui minimise l’impact en termes de connectivité pour ce type de créances. Par contre, le canal des créances privées fonctionne aujourd’hui par la transmission de fichiers. Il s’agit donc de déployer des solutions d’intermédiation entre les banques de financement et la BCE, certains éditeurs se sont d’ailleurs positionnés pour fournir des solutions clés en main ;
  • la plateforme ECMS vise à fonctionner sur la base d’échanges au fil de l’eau entre la banque centrale européenne et les contreparties. Actuellement, la gestion des créances privées ne s’effectue par sur modèle, mais en « annule et remplace » (système de ramassage quotidien). Ce changement implique un challenge significatif au niveau technique et au niveau des processus liés à la collecte de données actualisées des financements, et en particulier la retranscription des clauses des contrats en data.

Finalement, il ne reste que peu de temps pour mettre en place les instances de gouvernance du projet au sein des établissements bancaires, faisant le lien avec la Banque de France et avec la BCE. Qui plus est, les différents travaux informatiques, organisationnels et juridiques apparaissent comme significatifs, le tout dans un calendrier contraint. Autant de raisons qui plaident de s’intéresser dès maintenant au projet de migration sur la plateforme ECMS.

Par Laurent Lanzini, Senior Manager et Martin Pirez, Consultant Senior chez Square.
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