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AGEFI Actifs

– le 22 juillet 2020

Le monde de la Finance durable est encore un monde nébuleux. Difficile pour les investisseurs, comme pour les distributeurs (compagnies d’assurance-vie, CGP, banquiers…), de s’y retrouver entre les différents labels (ISR, ESG, TEEC, green bonds…).

La loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, puis le plan d’action de l’Union Européenne de mars 2018 ont insufflé une bonne dynamique pour le développement de la finance durable. Les principaux enjeux de ces lois dans les grandes lignes sont de réorienter les investissements vers les projets durables, renforcer la gestion des risques majeurs en matière ESG et d’améliorer la transparence dans les entreprises et les activités financières. Les institutions financières seront les vecteurs de transmissions et de développement de la finance durable de demain et plus particulièrement les assets managers.

 

Intégrés de façon accessoire dans les gammes de produits d’investissement pendant de nombreuses années, les produits verts font aujourd’hui l’objet de toutes les convoitises, impliquant parfois un manque de lisibilité concernant la réelle dimension extra-financière d’un produit.

L’AMF souhaite faire la chasse au « Greenwashing » (éco-blanchiment), procédé marketing de certaines sociétés de gestion, qui mettent en avant une image de responsabilité écologique alors que ces enjeux ne représentent qu’un pourcentage infime de leurs réels engagements. L’AMF rappelle que les gestionnaires d’actifs sont soumis à une obligation d’information claire, exacte et non-trompeuse. Ils doivent faire apparaitre dans leurs documentations règlementaires des « objectifs quantifiables » de prise en compte de critères extra-financiers et démontrer qu’ils ont un effet significatif.

Le marché de la finance durable est en plein boom avec des actifs sous gestion qui sont passés de 149Mds€ fin 2018 à 278Mds€ fin 2019, soit presque le double en un an et comptabilisant 704 fonds (source : Novethic).

Entre prise de conscience et enjeux réels, « 60% des français accordent une place importante aux impacts environnementaux et sociaux dans leurs décisions de placements » (selon une enquête IFOP de septembre 2019).

Créer des produits en accord avec les enjeux environnementaux : le challenge des asset managers d’aujourd’hui pour contenter la génération de demain

La COP21, conférence internationale sur le climat qui s’est tenue à Paris en décembre 2015, a insufflé une prise de conscience sur les enjeux environnementaux, et notamment autour du réchauffement climatique. En est ressorti le rôle majeur de la finance : donner un « sens » à l’épargne de long terme, en créant des instruments financiers qui soutiennent la transition énergétique.

Les enjeux de la « finance climat » dépassent largement l’appel politique à « climatiser la finance » puisqu’il répond à un nouveau besoin sociétal, exprimé notamment par « les Millenials », les investisseurs de demain. Il faut donc réorienter les investissements dits « marrons » vers des instruments financiers « verts » tels que des actifs à faible empreinte carbone (Low Carbon Finance).

Les asset managers doivent donc adapter leurs offres actuelles en y incluant des produits de finance durable, tout en veillant à ce que cela s’inscrit dans la stratégie de leurs entreprises.

Tout doit être pensé, de l’image de marque en passant par la communication et la revue des produits qui composent l’offre. Ceci afin que l’ensemble soit en cohérence totale avec les attentes des investisseurs. Les stratégies des produits peuvent par exemple être des stratégies climatiques alignées avec l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris ou qui prennent en compte des critères Environnementaux, Sociaux ou de Gouvernance, et des risques de gestion associés.

Il est essentiel pour les asset managers de s’investir sur ce chemin de façon transparente et engagée afin de donner une réelle dimension à ces produits de finance durable, et ainsi œuvrer pour un nouveau monde plus écologique, solidaire et éthique.

Le traitement des données, pilier majeur pour le développement de produits de finance durable

Pour se lancer dans cette stratégie de développement de produits financiers durables de façon pérenne, les asset managers (notamment les gérants et les analystes ISR) vont rechercher l’or noir du 21e siècle : la « donnée ».

Une fois la philosophie d’investissement d’un produit déterminée, les « datas » permettront d’élaborer des critères de sélection pertinents, mettre en place des process solides, générer des reporting lisibles et pouvoir ainsi communiquer en toute transparence sur l’évolution et la composition de ces nouveaux produits financiers.

Les asset managers sont confrontés à un enjeu de complexité des données qui proviennent souvent de multiples fournisseurs externes. La plupart du temps, elles sont non standardisées et incomplètes. Il faut donc les confronter à des recherches internes et créer des méthodologies de scoring sur-mesure.

Si l’on se tient à une gestion classique des données, le manque de standardisation augmente considérablement le nombre de retraitements manuels et alourdit le coût et la quantité de travail nécessaire. Afin que les gérants se concentrent sur des taches à plus fortes valeurs ajoutées, il sera donc plus judicieux qu’ils se tournent vers des technologies (IA ou RPA), qui permettent d’automatiser tous les process d’analyse et de reporting, en formant les équipes à ces outils dédiés.

Il ne s’agit donc pas seulement de courir à la collecte de données (via des technologies de Big Data) mais aussi de les traiter et de les restituer de la bonne manière. Plus encore, il faut pouvoir traiter et analyser de grandes quantités de données et considérer la donnée comme un actif de l’entreprise et de ce fait adopter un modèle « Data Centric » (= architecture centrée sur les données).

Les labellisations des produits financiers viennent ensuite certifier le sérieux des process et des investissements, indispensables pour apporter davantage de crédibilité et de garantie à l’investisseur. Cependant, chaque état membre de l’Union Européenne a ses propres labels (ISR & GreenFin pour la France, FNG Siegel pour Allemagne, Autriche et Suisse, Towards Sustainability pour la Belgique…), ce qui peut déstabiliser les clients finaux face à ce manque de cohérence Européenne.

Quand la Finance durable implique une transformation des organisations

Le développement de la Finance durable pour les institutions financières implique un enjeu majeur de transformation au sein des organisations. Elles seront amenées à engager de profonds changements sur le fond. De nouveaux métiers verront le jour dans le domaine de la « data », de nouveaux process d’investissement devront être mis en place pour intégrer les enjeux du sujet, mais aussi sur la forme, une communication cohérente et en accord avec la règlementation afin de rassurer le client final.

Ces transformations vont disrupter les marchés financiers en créant de nouveaux marchés de niches qui seront capables d’attirer des investisseurs soucieux des investissements à faible empreinte carbone et de projets relatifs à de nouvelles technologies vertes.

Les institutions financières sont les entreprises en première ligne dans la transformation de l’économie que la population veut plus soucieuse de l’environnement, sociale et solidaire. Etablir un plan stratégique pour se lancer dans ce chantier est une réponse à fort impact pour un développement solidaire et responsable. Avec la crise sanitaire que l’on vit aujourd’hui, le réveil est plus puissant que jamais. La Finance durable est le prochain challenge de toutes les institutions qui souhaitent participer au monde de demain.

Par Yoni Bouaziz, manager chez Square.
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