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Revue Banque

– le 20  mars 2022
Le contexte économique pousse les entreprises à un pilotage financier et stratégique réactif. Les « prévisions glissantes » semblent répondre en tout point à cet impératif.
Depuis 2020, nous faisons face à un contexte économique incertain et changeant de façon drastique. La crise sanitaire couplée à l’inflation, ainsi que la guerre en Ukraine et la pression imposée par cette dernière sur les économies mondiales et les matières premières compliquent le pilotage financier des entreprises et leur stratégie. Elles leurs imposent de revoir leurs prévisions budgétaires en urgence et sans cesse. L’exercice budgétaire étant lourd et peu flexible par son dispositif et son planning, il est de plus en plus opportun d’adopter les prévisions glissantes plus communément appelé « rolling forecast ». 

Le rolling forecast ou l’exercice budgétaire flexible et rapide

Apparu dans les années 90 avec le lancement d’Excel et sa popularisation chez les analystes financiers, le Rolling Forecast est un processus budgétaire dynamique et flexible, tenant compte des derniers éléments de contexte et de résultats, permettant de définir et de réviser les prévisions de façon mensuelle pour les vingt-quatre mois à venir. La performance de l’entreprise est ainsi comparée à des éléments réels et favorise la prise de décision basée sur des éléments financiers à jour. La trajectoire financière de l’entreprise devient alors réaliste. Son succès nécessite de définir en amont le planning, le périmètre, les indicateurs clefs de performance à réviser ainsi que le format de consolidation (« reporting »). Ce processus est bien évidemment dirigé par la direction financière et plus précisément par le département en charge du planning souvent appelé « Strategic Planning ». Ce département est garant de la définition et de l’animation du cycle budgétaire et donc du rolling forecast.

La mise en place du rolling forecast se fait en 3 temps. Tout d’abord, la phase descendante ou plus communément appelé « top-down », avec la communication du contexte macro-économique, des hypothèses, du planning et de la stratégie aux équipes financières mais aussi aux opérationnels. Puis vient la seconde phase ascendante dite « bottom-up », où les équipes financières vont établir leurs prévisions en collaboration avec les opérationnels pour les saisir dans l’outil de « reporting » avant la date limite. Enfin, ces chiffres vont être revus, discutés par la direction et les équipes afin d’arriver aux prévisions les plus réalistes possibles. Pour sa réussite, ce processus nécessite d’une part, une organisation où la communication est fluide au sein de la direction financière mais aussi entre la finance et les opérationnels ainsi que les fonctions supports. D’autre part, il nécessite aussi des outils de « reporting » robustes pour devenir flexibles afin de faciliter la remontée des prévisions et pouvoir les « challengés ».

Le rolling forecast, un levier stratégique

Rapides et récurrentes, ces révisions budgétaires mensuelles sont un précieux outil de pilotage. Chez Transavia, le rolling forecast a ainsi pris la place des révisons trimestrielles qui étaient aussi complexes que le budget. Le groupe se concentre selon un agenda sur des indicateurs clefs du compte de résultat et les contrôles de cohérence permettant aux équipes de mieux vivre l’exercice qui devient un événement récurent et simple. Aussi, l’entreprise gagne en agilité et l’expertise des collaborateurs augmente grâce à la récurrence et la proximité avec les opérationnels. Il incite également le management à partager en continu la stratégie du groupe avec ses collaborateurs qui se sentent à leur tour acteurs dans les décisions du groupe. De même, dans le secteur bancaire, des réunions mensuelles sont planifiées afin de revoir la trajectoire financière et prendre en compte les derniers taux et ajustements nécessaires. D’après APCQ (American Productivity & Quality Center), le rolling forecast permettrait de gagner du temps sur l’exercice budgétaire annuel, allant jusqu’à 25 jours. Chez Eurazeo, société d’investissement gérant plus de 31 milliards d’euros d’actifs, cette révision permanente du budget est appliquée pour des levées de fonds, pour identifier les écarts et surtout pour prendre des décisions face aux risques et opportunités identifiés.

Le rolling forecast devient de plus en plus un outil décisionnaire et décisif dans la stratégie des entreprises. Il répond aux limites de l’exercice budgétaire, tout en renforçant le sentiment d’appartenance et les expertises des équipes. C’est pourquoi le rolling forecast complète et améliore l’exercice budgétaire annuel mais en aucun il ne le remplace. Ces gains bénéficient tant aux opérationnels qu’aux fonctions supports avec notamment le développement de nouveaux métiers, tel que celui du FP&A (Financial Planning & Analyst ou Analyste Planning et Finance). Ce dernier est en charge de la conception du planning budgétaire, de son animation, des modèles de consolidation, de l’analyse de la performance, des risques et des opportunités et enfin de la communication des analyses financières.

Avec une implication plus régulière que celle d’un budget annuel, l’implémentation du rolling forecast entraine une gestion du changement, dite « change management », de l’organisation, des outils et des procédures. L’organisation a besoin d’être agile et la communication interne fluide et continue afin d’assurer un partage de l’information et des objectifs. Les outils financiers nécessitent d’être fiables et flexibles, en adoptant autant que possible une approche agile, automatisée et digitalisée, pour permettre
un échange permanent et rapide des prévisions. Enfin, les procédures doivent être simples et explicites pour garantir l’exécution de ce processus.
L’agilité budgétaire est aujourd’hui une priorité de la transformation de la fonction finance et le rolling forecast semble être plus que jamais la solution. Il permet aux entreprises de répondre rapidement aux enjeux financiers et surtout dans un contexte économique changeant constamment. A court terme, sa mise en place comporte quelques défis organisationnels et digitaux mais génère aussi vite des avantages stratégiques et pérennes dans son pilotage et sa profitabilité.

Par Sherwine Hakkakian, Project Manager Square Management.
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