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Le Monde

– le 24 octobre 2022

L’assurance paramétrique constitue une innovation prometteuse pour renforcer la résilience des sociétés face aux risques émergents. Confrontée à une demande encore trop faible, elle doit s’adapter pour remplir son rôle dans la transition environnementale et sociale.

Mégafeux, pandémies et autres risques émergents sont amenés à se produire de manière plus fréquente durant les prochaines décennies. Le dérèglement climatique et l’interdépendance croissante des activités humaines favorisent en effet la survenue d’évènements aux conséquences humaines, nancières et environnementales potentiellement catastrophiques.

Le réassureur SwissRe chire par exemple l’augmentation des pertes dues à des catastrophes naturelles dans le monde entre 5 % et 7 % par an. Si les épidémiologistes avaient identité la plausibilité d’une «nouvelle émergence d’une souche de virus grippal à potentiel pandémique au cours du XXIe siècle» (Antoine Flahaut, «Epidémiologie des pandémies grippales», Revue des maladies respiratoires n° 25/4, 2008), le secteur de l’assurance a été, comme nombre d’autres acteurs économiques et politiques, incapable de préparer la pandémie de Covid-19.

Selon Florence Lustman, actuelle présidente de France Assureurs, les pertes d’exploitation liées à la pandémie ont représenté plus de 300 fois le montant des primes d’assurance versées par les assurés en 2020. Signe de la difficulté d’organiser la mutualisation des risques catastrophiques à un coût raisonnable, l’abandon du projet de création d’un régime d’assurance pandémie en France a été entériné dès fin 2020.

Les atouts de l’assurance « paramétrique » 

Face à l’intensification des risques catastrophiques, le secteur de l’assurance entend pourtant continuer à jouer le rôle de mutualisation des risques qui lui est dévolu. L’assurance « paramétrique » constitue à ce titre un outil pertinent pour accroître la disponibilité de l’assurance à un coût raisonnable. En effet, l’indemnité prévue par un contrat paramétrique dépend de la valeur d’un indice, construit pour estimer les montants de pertes assurées.

Pour un agriculteur par exemple, un indice paramétrique peut combiner des données de pluviométrie, de température et d’humidité des sols afin de calculer d’éventuelles pertes de production. Des données satellitaires peuvent aussi être utilisées afin de mesurer la qualité du couvert végétal et ainsi estimer approximativement la production fourragère.

Pour le risque pandémique, un indice peut également être conçu sur la base d’informations concernant la santé publique, ou même sur le prix des actions dont les valeurs sont sensibles aux mesures de connement. L’indemnité d’un contrat paramétrique dépend donc de la prévision d’un modèle construit pour chiffrer le plus précisément possible les pertes subies par l’assuré.

Renforce la sécurité alimentaire de communautés vulnérables 

Cette modélisation, rendue possible par l’exploitation de grands volumes de données variées et disponibles en temps réel, permet de réduire considérablement les coûts de fonctionnement de l’assurance et d’accélérer le versement des indemnités. L’assurance paramétrique ore des solutions de couverture pour des risques qui seraient autrement difficiles à couvrir.

Par exemple, le Caribbean Countries Risk Insurance Facility (CCRIF) propose des contrats paramétriques à 19 pays pour la couverture de risques cycloniques, de tremblements de terre ou encore d’inondations. Dans les pays en voie de développement, de nombreux mécanismes de micro assurance paramétrique couvrent les risques de mauvaises récoltes liés aux aléas climatiques.

Cette formule renforce ainsi la sécurité alimentaire de communautés vulnérables, à des endroits où il serait trop coûteux d’envoyer des experts pour déterminer la valeur des pertes agricoles subies réellement par les agriculteurs de petites exploitations. Certains économistes s’interrogent pourtant sur la pertinence de l’assurance paramétrique, en particulier lorsqu’elle est vendue directement à des particuliers.

Une meilleure mise en compte des indices 

La possibilité d’une erreur de l’indice constitue un risque pour l’assuré, appelé «risque de base». Lorsque ce risque se réalise, l’assuré peut faire face à une situation encore moins favorable que s’il n’avait pas souscrit d’assurance : il a payé une prime, subi une perte mais ne reçoit aucune indemnité. Un contrat paramétrique mal conçu peut ainsi s’apparenter à un pari financier davantage qu’à une stratégie de couverture.

L’amélioration des indices constitue donc un axe de travail essentiel pour le développement de l’assurance paramétrique. L’asymétrie d’information et d’expertise entre l’assureur d’un côté, qui conçoit le produit et procède à sa tarification, et l’assuré d’un autre côté, constitue un autre frein important au développement de l’assurance paramétrique.

Dans son avis du 17 avril 2022 sur l’évolution du système d’assurance français face au dé des risques systémiques, le Comité économique, social et environnemental appelle certes à «compléter l’indemnisation des risques agricoles par l’introduction d’une part d’assurance paramétrique». Il précise néanmoins que «le conseil à l’assuré est particulièrement important dans ce type d’assurance».

Réduire l’asymétrie d’expertise entre le concepteur et l’acheteur

Il convient en effet de réduire ce facteur d’inquiétude légitime pour un agriculteur, dont la pérennité de l’activité dépend du bon fonctionnement de l’assurance en cas de sinistre. Pour constituer un outil efficace de gestion du risque agricole, la souscription d’un contrat paramétrique doit en effet être accompagnée d’une compréhension ne de l’indice retenu ainsi que d’une stratégie de couverture du risque de base.

Or la mise en place de telles stratégies requiert un investissement en temps et en ressources difficile à réaliser pour un particulier. Il est donc essentiel de réfléchir aux façons de renforcer la confiance des assurés envers un produit aussi complexe. La commercialisation par l’intermédiaire d’institutions agrégatives, telles que des ONG, des coopératives agricoles ou des entités publiques susceptibles de recevoir et de redistribuer les indemnités pourrait par exemple permettre de réduire l’asymétrie d’expertise entre le concepteur et l’acheteur.

La mise à disposition d’outils de représentation graphique des risques couverts et non couverts pourrait également permettre d’améliorer l’information à disposition des potentiels assurés. Enfin, la combinaison des produits paramétriques avec d’autres biens et services contribuerait à atténuer le problème de l’asymétrie d’expertise, tout en générant de la valeur.

Une contribution à la transition environnementale 

Par exemple, la vente d’assurance paramétrique à une banque pour assurer son portefeuille de crédits peut contribuer à diminuer les frais d’emprunt et faciliter ainsi l’accès au crédit des consommateurs finaux. L’assurance paramétrique ne sauvera pas le monde, mais elle dispose d’un potentiel certain pour accroître l’assurabilité des risques émergents.

En améliorant la résilience des sociétés, elle peut contribuer à l’avènement d’une transition environnementale et sociale juste. Il convient aujourd’hui de mieux comprendre comment tirer bénéfice de ces avantages.

Par Marc Campi, Partner et Alexis Louaas, Chercheur et Consultant Square Management.

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