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CBnews.fr

– le 05 avril 2022

Jusqu’à 2020, les annonceurs diffusaient leur publicité TV en se basant sur la constitution moyenne de l’audience de chaque chaîne, c’est à dire l’âge ou le sexe des téléspectateurs, rendant la définition de la cible assez approximative.

Or, depuis l’assouplissement des règles de la publicité télévisée en août 2020, la loi autorise la publicité segmentée. Depuis janvier 2021, les chaînes TV peuvent enfin commercialiser cette nouvelle stratégie de publicité segmentée.

Cette avancée technologique inédite en France qui permet de diffuser une publicité spécifique en fonction du type de téléspectateur s’annonce comme un nouveau champ des possibles pour les acteurs de ce système. Ces derniers se sont toujours heurtés à une réglementation assez limitante et ont donc pris un certain retard sur le marché publicitaire, à l’inverse de la publicité digitale qui est en plein essor.

La publicité TV segmentée en quelques mots

La publicité TV dite segmentée, ciblée ou encore adressée, se définit comme la possibilité de diffuser un spot télévisé en ciblant un foyer spécifique et créant ainsi une expérience télévisuelle personnalisée donc plus pertinente et plus intéressante pour le téléspectateur.

Le principe est assez simple, en souscrivant à une box TV, par le biais d’une Smart TV ou encore via un décodeur TNT, les opérateurs collectent des données sur leurs clients et les fournissent aux régies publicitaires. Cette stratégie permet de collecter des données comportementales, géographiques et ainsi définir des segments d’audiences et typologies de foyers.

Selon l’Af2m (Association française du multimédia mobile), 5,5 millions de foyers disposant de box sont éligibles à la TV segmentée en janvier 2022, sous réserve d’avoir donné leur consentement RGPD (1) à l’opérateur.

Les acteurs principaux de ce nouveau système de publicité sont donc les opérateurs télécoms et les régies publicitaires. Ils travaillent de concert afin de proposer une solution ouverte au plus grand nombre d’annonceurs et ainsi faire de la publicité segmentée un véritable relai de croissance.

Un nouveau souffle pour les annonceurs et la publicité TV

La publicité TV segmentée représente une véritable opportunité pour les annonceurs.

Le géociblage est l’une des raisons principales qui pousse les annonceurs à y avoir recours. En effet, diffuser son contenu à une cible très précise permet de limiter les dépenses en ne s’adressant qu’aux personnes concernées tout en renforçant la pertinence et l’impact de son message. Par exemple, une grande marque d’automobile a ciblé les foyers vivants en périphérie des grandes villes pour promouvoir sa voiture électrique. Un magasin de bricolage local a, lui, choisi de diffuser sa publicité à des foyers situés dans son périmètre et dont les centres d’intérêts correspondaient à sa cible pour être plus pertinent. Ainsi, avec un ticket d’entrée à 5000€, ce modèle peut intéresser tous les profils d’annonceurs. Les plus petits peu expérimentés ou encore les annonceurs locaux qui n’ont pas les moyens de s’offrir la publicité TV classique et qui pourront ainsi diffuser leur offre à une échelle locale.

Les enjeux pour les annonceurs sont donc évidents, mais cette nouvelle solution va aussi profiter aux acteurs de la publicité TV. Les régies publicitaires des grandes chaînes, qui espèrent redynamiser leur secteur en rivalisant avec les GAFAM. Ces géants du Web ont beaucoup tiré profit de l’interdiction de la TV segmentée, cette dernière arrive donc à point nommé. Ainsi, certaines évolutions comme la fin des cookies tiers (2) dans le monde du digital pourraient renverser la vapeur et accélérer encore davantage le développement de la pub TV segmentée.

La promesse est claire : proposer aux annonceurs une solution à la fois qualitative (la télévision est un média premium de masse) et puissante (grâce au ciblage data du digital).

Un phénomène qui n’a pas encore atteint son plein potentiel

Si actuellement 5,5 millions de foyers possèdent une box compatible à la TV segmentée, beaucoup de ménages ne sont pas encore éligibles à recevoir cette offre car leur équipement ne serait pas assez moderne. En janvier 2022, le SNPTV (3) et l’Af2M estiment à 7,5 millions le nombre de foyers éligibles à la TV segmentée fin 2022, 9 millions à fin 2023 (4). Le changement s’opère vite, mais il faudra quand même compter sur deux facteurs déterminants pour obtenir une audience adressable significative. Dans un premier temps, la réactivité des opérateurs au renouvellement de leur parc de box mais aussi le consentement des utilisateurs à partager leurs données.

Un autre frein au développement du marché est le rallongement des délais causé par les opérateurs et les régies publicitaires pour signer leurs accords techniques et financiers. Pour l’instant, seuls TF1 Pub et FranceTV Publicité ont signé avec 3 opérateurs (SFR, Orange et Bouygues).

Si l’offre de TV segmentée n’est pas encore ouverte à l’ensemble des chaînes, elle va s’enrichir au fur et à mesure que le déploiement du nouveau parc de box avance et l’arrivée de nouveaux opérateurs comme Free.

Un marché qui s’annonce très prometteur

Selon une étude réalisée par le cabinet Olivier Wyman en 2019 auprès de 117 annonceurs, les projections en France pourraient représenter jusqu’à 220M€ en 2023 [5].

D’après l’Af2m et les grandes régies, sur 361 campagnes menées en 2021 par TF1, M6 et FranceTV, la moitié ont été menées par de nouveaux annonceurs. De plus, 55% du chiffre d’affaires généré par la TV segmentée de TF1 et France TV provient d’annonceurs locaux. Ces chiffres confirment donc les espérances des acteurs du marché de la TV publicitaire.

Pour séduire encore plus de marques et exploiter davantage la puissance de cette solution, de nombreux développements sont déjà à l’étude.

Sur le mode d’achat d’abord, une nouvelle technique plus simple et rapide dite « programmatique » très répandue dans le digital commence à émerger chez certaines régies. L’achat programmatique permet de faciliter l’achat d’espaces publicitaires et d’offrir des indicateurs de performances précis.

Dans un second temps, le ciblage sera amené à évoluer et à s’enrichir via le « CRM onboarding ». Cette technique permet de faire correspondre les données clients des annonceurs avec les données des opérateurs. Ainsi, les campagnes pourraient être poussées encore plus loin en permettant de différencier les prospects des clients, et ainsi fidéliser ou élargir sa clientèle. On peut aussi imaginer des accords avec des distributeurs pour identifier les clients disposant d’un programme de fidélité et les croiser avec la base de données de l’annonceur. Cela permettrait de mieux segmenter les acheteurs en leur proposant des publicités personnalisées basées sur leurs habitudes d’achat.

Ces perspectives pour la TV segmentée annoncent des données de plus en plus riches et des outils de mesure d’efficacité puissants et faciles à mettre en place afin de satisfaire le plus grand nombre d’annonceurs. De plus, cette solution offrira aux téléspectateurs des contenus plus personnalisés et adaptés à leurs besoins. Il est donc grand temps de s’intéresser à la publicité TV segmentée qui possède des atouts certains et d’intégrer pleinement cette technique dans la stratégie digitale des entreprises.

Certes, cette technologie paraît très intéressante pour le consommateur, mais ce dernier voit les marques s’immiscer toujours plus dans son quotidien et ses informations personnelles fortement menacées. Ce tracking permanent se traduit par un « ras-le-bol » du consommateur qui utilise désormais des bloqueurs de publicités en ligne. D’après une étude de marché sur la TV segmentée réalisée par TF1Pub en mai 20216, 53% des français craignent pour la protection de leur vie privée et 42% ont peur que cela engendre encore plus de publicités. Or, le consentement du téléspectateur est le prérequis pour pouvoir activer la publicité segmentée. Ainsi, face à ces chiffres et au sentiment général de ce dernier à l’égard des déjà très nombreuses publicités en ligne, ne risque-t-on pas de voir de plus en plus de personnes refuser cette collecte de données ?

Les sources

(1) Règlement Général sur la Protection des Données

(2) Fichier déposé sur l’ordinateur d’un internaute afin de conserver des informations sur son comportement

(3) Syndicat National de la Publicité Télévisée

Par Léa Ruiz, Consultante Square.

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