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Le Courrier Financier

– le 12 décembre 2022
La dernière décennie a été marquée par un environnement de taux historiquement bas, tirée par une inflation quasi nulle. Les coûts ont été la véritable variable d’ajustement de la profitabilité bancaire. Les futures hausses de taux à venir vont-elles redonner aux banques plus de marges de manœuvre dans le pilotage de leur performance ? 
Sur la période 2010–2018, les coûts des banques US et européennes ont augmenté de 8 % en moyenne (source BCG), soit plus rapidement que les revenus ! Sur cette même période, ces dernières ont dû faire face à une forte réduction de leur marge d’intermédiation. Porté par un environnement de taux bas, les banques ont pu néanmoins bénéficier d’un afflux massif de liquidité mis à disposition par les banques centrales au travers de différents programmes de financement (QE, TLTRO).

Compenser la faible valeur du crédit

Les établissements bancaires ont su exploiter ces ressources bon marché pour trouver d’autres activités plus rémunératrices et compenser leur perte de valeur ajoutée sur le crédit. Les crédits octroyés jusqu’alors — considérés comme peu rentables — ont servi de produits d’appel pour capter une clientèle de plus en plus volatile et encline à s’essayer aux nouveaux acteurs digitaux. Face à cette faible rentabilité du crédit, les banques ont compensé leur perte de revenus par une forte augmentation de leurs commissions, plus génératrices de marge. Il y a eu 86 % de marge en moyenne sur les commissions des banques françaises, selon une étude UFC Que Choisir de 2022.

Également, les établissements bancaires ont profité de conditions de marché favorables — comme la hausse de la valeur des actifs et volatilité résultant de périodes d’incertitudes — pour renforcer leurs revenus issus des activités de marché. Néanmoins, face au ralentissement de la croissance des revenus bancaires, la maîtrise des coûts s’est imposée comme le seul levier sur lequel les institutions aient encore la main. Les établissements de la place ont adapté leur modèle, afin de maintenir leur niveau de profitabilité et garantir un retour sur investissement suffisamment attrayant pour l’investisseur.

La digitalisation : bourreau des coûts

Les marges de manœuvre se sont réduites, et l’environnement concurrentiel s’est accru. Le besoin de transformation des institutions financières en est presque devenu « obsessionnel », jusqu’à en faire un des principaux postes de dépenses des organisations. Les faibles marges générées, et l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché, ont poussé les banques à transformer en profondeur leur organisation sur la partie commerciale.

Les banques ont réduit le poids de la structure et le nombre d’agences physiques, mais aussi sur les services financiers avec une accélération de la digitalisation des services et des process internes. Cependant, cette digitalisation, sensée porter ses fruits à moyen terme, reste complexe et coûteuse à mettre en œuvre au sein des organisations.

Baisser les coûts sans baisser la qualité

La maîtrise extrême des dépenses ne doit pas peser sur la compétitivité et la transformation de l’établissement. Des dépenses en termes d’innovation, de recrutement et de transformation de l’organisation, aussi bien digitale que règlementaire, sont des investissements essentiels qui doivent être réalisés. Cependant, ces dernières années, nous avons pu constater certaines limites liées à ces politiques de maîtrise des coûts.

Les différentes vagues d’offshoring et le turnover associé de ces dernières années ont accéléré une perte de connaissance sur certains sujets. A cela, s’ajoute des politiques RH qui ne sont pas suffisamment incitatives pour attirer et conserver les meilleurs profils. C’est ainsi, que la baisse d’attractivité dans le recrutement de nouveaux profils et la perte de maîtrise sur certains sujets structurants — résultant d’une politique de baisse des coûts et d’investissement — sont devenus des enjeux supplémentaires à prendre en compte dans l’équation.

Le poids de l’évolution réglementaire

A cela viennent s’ajouter d’autres coûts, impondérables ceux-ci, liés aux fréquentes évolutions règlementaires requises par le régulateur. Cette dernière décennie fut une période dense en termes d’évolutions règlementaires bancaires. Pour y répondre, l’exploitation de différents types de ressources bilantielles et consommatrices de capital ont participé à l’érosion des marges. Ces règlementations sont toujours très coûteuses à mettre en œuvre tant sur le plan humain qu’opérationnel.

Ce besoin ne pourrait que s’étendre, dans la mesure où une période de consolidation dans les prochaines années est à prévoir. De manière générale, les politiques de réduction des coûts font souvent face à une problématique de « time to market ». La durée de mise en place de telles actions met du temps à porter ses fruits. De plus, le manque de stabilité et le turnover du management pèsent parfois sur les plans d’efficacité opérationnel dessinés sur plusieurs années. De quoi remettre en cause leur efficacité et les effets escomptés.

Conséquences de la hausse des taux

La récente hausse des taux directeurs, suivie d’annonce de futures hausses à venir, marque la fin d’une époque. Les banques anticipent une amélioration des « spreads » — c’est-à-dire un écart de taux. Les taux long terme vont augmenter plus fortement que les taux court terme. Par conséquent, cela pourrait redonner une marge de manœuvre plus importante en vue du pilotage de leur performance.

Une meilleure profitabilité des activités de crédit pourrait venir consolider les bons résultats dégagés sur les activités de marché et les commissions, tout en continuant de renforcer les efforts d’assainissement de leur bilan entrepris ces dernières années. Cependant, face à la future hausse des taux et le retour de marges plus confortables, les institutions se retrouvent face à de nouveaux défis. Le retour de l’inflation et la potentielle augmentation des défauts qui en découle poussent les banques à maîtriser leur coût du risque.

Néanmoins, pressées de devoir continuer l’implémentation de leur transformation, aussi bien digitale que règlementaire, les établissements bancaires ne pourront pas se permettre de faire l’impasse sur de nouvelles dépenses, indispensables à leur compétitivité. La culture du « cost killing » reste très implantée dans le secteur bancaire. Les nouvelles possibilités qu’offrent des avancées technologiques telles que l’intelligence artificielle (AI) risque malgré tout d’accentuer la tendance initiée post 2008.

Benoit Brugière, Project Manager Square Management.

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